Cour de justice de l’Union européenne, le 10 mai 2012, n°C-368/10

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 10 mai 2012 un arrêt fondamental concernant l’intégration de clauses sociales et environnementales. Un pouvoir adjudicateur avait lancé un appel d’offres pour la fourniture et la gestion de distributeurs de boissons chaudes sur son territoire. Les documents de la consultation exigeaient que le café et le thé soient munis de labels attestant de leur origine biologique et équitable. La procédure précontentieuse engagée a conduit à la saisine de la juridiction européenne pour plusieurs manquements à la directive 2004/18. La partie requérante reprochait également l’usage de labels spécifiques comme spécifications techniques et des critères de sélection fondés sur la responsabilité sociale. L’État membre défendeur arguait au contraire que ces exigences étaient connues des opérateurs économiques et contribuaient à la protection de l’environnement. La question posée concerne la légalité du renvoi direct à des labels privés et la validité d’exigences générales de durabilité au stade de l’aptitude. Les juges décident que le recours à un label en tant que tel est illégal s’il n’autorise pas la preuve par tout moyen équivalent. L’encadrement strict des spécifications techniques précède l’examen de la limitation des exigences de capacité des candidats.

I. L’encadrement strict des spécifications techniques et des critères d’attribution

A. L’interdiction du renvoi exclusif à des labels environnementaux

La Cour rappelle que les spécifications techniques peuvent inclure des caractéristiques environnementales mais doivent respecter des principes de non-discrimination et d’égalité de traitement. L’article 23 de la directive autorise le recours aux spécifications détaillées d’un éco-label sans toutefois permettre de prescrire « un éco-label en tant que tel ». Cette solution garantit que tous les soumissionnaires sachent précisément ce que recouvrent les critères établis par le pouvoir adjudicateur pour le marché concerné. Le juge précise en outre que l’éco-label ne peut être utilisé que « de manière secondaire, à titre de preuve » de la satisfaction aux exigences. Le pouvoir adjudicateur doit impérativement admettre tout autre moyen de preuve approprié pour démontrer que les produits respectent les caractéristiques environnementales formulées. L’absence de mention des critères détaillés au profit du seul nom du label porte atteinte à l’accès égal des candidats potentiels à la commande.

B. L’exigence de lien avec l’objet du marché pour les critères d’attribution

Le litige portait également sur l’usage des labels comme critères d’attribution pour les ingrédients secondaires fournis lors de l’exécution de la prestation globale. La juridiction estime que ces critères sont valables dès lors qu’ils présentent un lien suffisant avec l’objet du marché défini dans le cahier des charges. Les juges considèrent en revanche que « le critère d’attribution litigieux présentait, avec l’objet du marché concerné, le lien exigé » par les textes. La possession de labels déterminés ne peut toutefois constituer un critère d’attribution si les critères sous-jacents ne sont pas énumérés de manière précise. L’entité publique a ainsi établi un critère d’attribution incompatible avec les règles européennes faute d’avoir autorisé la preuve par tout moyen approprié. La valeur de la décision réside dans la conciliation nécessaire entre les objectifs de développement durable et la liberté de concurrence.

II. La limitation des critères de sélection et le respect de la transparence

A. Le caractère exhaustif des critères d’aptitude technique et professionnelle

Le cahier des charges imposait aux candidats de respecter des principes de durabilité et de responsabilité sociale pour que leur offre soit prise en considération. Ces dispositions constituent des exigences d’aptitude minimale qui doivent impérativement se rapporter aux capacités techniques et professionnelles limitativement énumérées par la directive applicable. Le juge européen souligne en particulier que le texte « énumère exhaustivement les éléments sur la base desquels le pouvoir adjudicateur peut évaluer » les capacités. En conséquence, les informations relatives à la politique générale de l’entreprise en matière de durabilité ne correspondent à aucune des catégories d’informations autorisées. L’entité a établi un niveau minimal de capacité technique non autorisé en exigeant des preuves de contribution au marché durable de la production. Cette solution préserve la distinction nécessaire entre les critères de sélection des candidats et les critères d’évaluation des offres économiquement les plus avantageuses.

B. L’obligation de clarté découlant du principe général de transparence

L’obligation de transparence impose que les conditions de la procédure soient formulées de manière claire pour permettre aux soumissionnaires d’en comprendre la portée exacte. L’usage de termes vagues comme la durabilité des achats ou la responsabilité sociale des entreprises ne présente pas un degré suffisant de précision juridique. En effet, ces exigences ne permettent pas aux opérateurs « de savoir de manière certaine et complète quels sont les critères que recouvrent ces exigences ». Le pouvoir adjudicateur doit définir ses attentes de façon univoque afin de pouvoir vérifier effectivement si les offres correspondent aux besoins réels du marché. Ainsi, l’exigence de précision protège les candidats contre l’arbitraire et garantit l’objectivité de l’évaluation lors de la phase finale de choix. La portée de l’arrêt confirme la rigueur formelle imposée aux acheteurs publics souhaitant poursuivre des finalités sociales ou environnementales dans leurs procédures.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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