Cour de justice de l’Union européenne, le 10 novembre 2011, n°C-126/10

Le 10 novembre 2011, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu un arrêt déterminant relatif au régime fiscal commun des fusions. Le litige opposait une société de gestion de participations sociales à l’administration fiscale au sujet du transfert de pertes fiscales non encore amorties. L’administration refusait ce transfert car l’opération de fusion n’aurait présenté aucun intérêt économique réel pour la société absorbante en dehors de l’avantage fiscal. La société absorbée n’exerçait aucune activité, ne détenait aucun portefeuille de participations et transférait des pertes s’élevant à plus de deux millions d’euros. Le Tribunal Central Administrativo Sul a d’abord rejeté le recours de l’entreprise contre la décision administrative de refus de déduction des pertes. Saisi en dernière instance, le Supremo Tribunal Administrativo a sollicité une décision préjudicielle sur l’interprétation de la directive concernant le régime fiscal commun. La juridiction de renvoi demandait si une fusion réduisant les coûts de structure constituait un motif économique valable malgré l’absence d’activité de l’absorbée. La Cour répond qu’une telle opération peut présumer une fraude fiscale si l’économie de coûts structurels s’avère marginale face à l’avantage fiscal escompté.

I. L’encadrement rigoureux de la notion de motifs économiques valables

A. La subordination de l’avantage fiscal aux objectifs de restructuration L’article 11 de la directive 90/434 permet aux États membres de refuser les avantages fiscaux d’une fusion visant la fraude ou l’évasion fiscales. La Cour précise que la notion de motifs économiques valables « va au-delà de la seule recherche d’un avantage purement fiscal » lors d’une fusion. Une opération dont l’objectif unique est l’obtention d’un gain fiscal ne saurait être considérée comme répondant à une nécessité économique ou commerciale. Il convient donc de confronter systématiquement les gains financiers immédiats aux réalités industrielles ou commerciales justifiant l’opération de rapprochement entre les sociétés.

B. L’insuffisance des économies de coûts structurels inhérentes à la fusion La réduction des frais administratifs est inhérente à toute fusion par absorption car elle entraîne nécessairement une simplification de la structure du groupe. Toutefois, ce gain est jugé insuffisant si l’économie réalisée en termes de coûts structurels reste tout à fait marginale au regard de l’avantage fiscal. La Cour considère qu’admettre systématiquement l’économie de coûts comme motif valable priverait de toute sa finalité la règle de sauvegarde des intérêts financiers. L’examen global de l’opération doit ainsi démontrer une utilité économique réelle dépassant la simple rationalisation administrative découlant mécaniquement de la disparition d’une entité.

II. La caractérisation souveraine d’une présomption de fraude

A. L’identification d’un faisceau d’indices caractérisant une opération artificielle L’absence d’activité réelle de la société absorbée et l’origine indéterminée de pertes fiscales élevées constituent des indices sérieux d’une volonté d’évasion fiscale. Ces éléments factuels créent une présomption de fraude que le juge national doit confirmer par un examen global de l’ensemble des circonstances du litige. L’absorption d’une société sans actif ni portefeuille de participations laisse en effet présumer que l’opération vise uniquement à capter un crédit d’impôt substantiel. L’ampleur de l’avantage fiscal escompté doit toujours être mise en balance avec les gains de productivité ou de gestion réellement attendus de l’opération.

B. La délimitation des compétences interprétatives et applicatives en droit de l’Union Si la Cour interprète les concepts du droit de l’Union, il appartient exclusivement à la juridiction nationale de vérifier l’existence concrète des motifs économiques. Ce partage assure la sauvegarde des intérêts financiers des États membres tout en garantissant le respect du principe général de prohibition de l’abus de droit. L’autorité judiciaire saisie du litige devra ainsi apprécier si la restructuration invoquée correspond à une stratégie de développement réel ou à une manœuvre élusive. Cette vérification au cas par cas évite l’application de critères généraux prédéterminés qui porteraient atteinte aux objectifs fondamentaux de la directive européenne.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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