La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 10 novembre 2016, statue sur la validité d’une marque tridimensionnelle complexe. Le litige concerne une forme cubique présentant une structure en grille, enregistrée pour des puzzles à trois dimensions. Une société concurrente demande la nullité de cet enregistrement au motif que la forme répond exclusivement à une fonction technique nécessaire. L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle rejette cette demande par une décision de sa deuxième chambre de recours du 1er septembre 2009. Le Tribunal de l’Union européenne confirme cette position par un arrêt du 25 novembre 2014, entraînant le pourvoi devant la Cour supérieure.
La question posée porte sur l’obligation de prendre en compte les caractéristiques techniques non visibles d’une forme lors de son examen juridique. La Cour de justice annule la décision précédente en exigeant une analyse concrète de la fonction technique associée à la structure litigieuse. L’élargissement de l’appréciation de la fonctionnalité technique précède logiquement la protection nécessaire de l’intérêt général.
I. L’appréciation élargie de la fonctionnalité technique de la forme
A. L’intégration des caractéristiques techniques non visibles
La Cour précise que l’examen doit identifier les caractéristiques essentielles de la forme pour vérifier si elles sont nécessaires au résultat technique. Elle estime que le juge ne peut se limiter à la seule représentation graphique sans considérer les réalités matérielles du produit. Les éléments invisibles, comme le mécanisme interne permettant la rotation du cube, constituent des facteurs déterminants pour apprécier la validité du signe. Cette approche garantit que la protection ne s’étende pas à une forme dont les traits sont dictés par sa seule utilité pratique.
B. Le rejet d’une analyse strictement formelle de la représentation graphique
Le Tribunal avait commis une erreur en ignorant la fonction technique du produit concret au profit d’une lecture purement visuelle du dépôt. La Cour affirme que « l’examen de la fonctionnalité ne saurait être effectué sans la prise en compte d’éléments supplémentaires relatifs à la fonction ». En négligeant la capacité de mouvement de l’objet, les premiers juges ont faussé l’application de la règle d’exclusion des formes fonctionnelles. L’analyse doit désormais confronter le signe graphique aux fonctions réelles qu’il permet de réaliser dans le cadre d’un usage normal.
L’identification rigoureuse des caractéristiques techniques permet alors de préserver l’équilibre du marché contre des appropriations privatives injustifiées.
II. La protection de l’intérêt général face aux monopoles de marque
A. L’interdiction de l’appropriation des solutions techniques
Le législateur souhaite empêcher qu’une entreprise n’obtienne un monopole perpétuel sur des solutions techniques par le biais du droit des marques. La Cour rappelle que cette interdiction évite de prolonger indéfiniment l’exclusivité normalement accordée aux seuls titulaires de brevets d’invention. L’enregistrement d’une forme purement fonctionnelle nuirait gravement à la concurrence en limitant la liberté de fabrication des autres opérateurs économiques. Ce principe fondamental assure que les innovations techniques tombent dans le domaine public à l’issue de leur période de protection spécifique.
B. La portée du contrôle de validité des marques tridimensionnelles
La solution renforce les critères de validité des marques de forme en imposant un contrôle de fonctionnalité exhaustif et rigoureux. Le déposant d’un signe tridimensionnel doit désormais prouver que les caractéristiques de sa forme ne sont pas indispensables à l’usage. L’arrêt étend son influence à tous les objets dont l’apparence est intrinsèquement liée à une performance ou un résultat technique. Cette jurisprudence établit une frontière nette entre la protection de l’image commerciale et celle des inventions techniques d’utilité publique.