Par un arrêt du 10 octobre 2013, la Cour de justice de l’Union européenne définit les règles de financement des prestations de maladie des retraités.
Deux ressortissants européens résidant en France et en Espagne perçoivent des pensions de vieillesse versées par plusieurs États membres, dont les Pays-Bas. L’institution sociale néerlandaise prélève des cotisations d’assurance maladie sur ces pensions malgré la résidence des intéressés hors du territoire national de l’État débiteur. Les retraités contestent ces prélèvements devant les tribunaux au motif qu’ils ne seraient plus soumis à la législation sociale de cet État membre. Saisi par les requérants de l’appel introduit contre les jugements du Rechtbank Amsterdam, le Centrale Raad van Beroep sursoit à statuer le 27 juin 2012. Les demandeurs soutiennent que la compétence doit être déterminée par la législation sur la maladie à laquelle ils furent jadis affiliés obligatoirement. L’institution défenderesse affirme au contraire que la durée totale d’assurance au titre de la vieillesse doit désigner l’État membre compétent financièrement. Le problème de droit consiste à déterminer si la notion de législation désigne le régime spécifique des retraites ou celui de l’assurance maladie. La Cour répond que la législation visée « est celle relative aux pensions ou aux rentes » dues au titre du droit de l’Union. L’explication du sens de cette règle de conflit précédera l’appréciation de sa valeur et de sa portée juridique pour les assurés migrants.
I. La consécration d’un lien de nature fonctionnelle entre le versement de la pension et la charge de l’assurance maladie
A. Le rattachement obligatoire de la charge financière des prestations de santé à l’État membre effectivement débiteur de la rente
La juridiction affirme que le système européen établit un lien structurel entre la compétence pour servir les pensions et l’obligation d’assumer les soins. Cette obligation de prise en charge des prestations de santé revêt un caractère accessoire à une compétence effective en matière de rentes de vieillesse. L’institution débitrice de la pension doit supporter les frais médicaux même si l’assuré réside sur le territoire d’un autre État membre de l’Union. Ainsi, la charge des prestations de maladie incombe à l’institution de l’État à la législation duquel le titulaire fut soumis le plus longtemps.
B. Une interprétation strictement textuelle et contextuelle de la notion de législation applicable au sein du règlement de coordination
Le terme législation figurant dans le règlement se rapporte uniquement à la détermination de l’État membre ayant la charge financière finale de ces prestations. Les termes employés visent à identifier l’État responsable sans renvoyer de manière systémique à l’ensemble des branches composant la sécurité sociale nationale. La Cour précise que ce système est de nature à éviter de pénaliser les États ouvrant un droit aux soins sur la résidence. Cette solution permet d’écarter l’application de régimes de cotisations étrangères qui seraient déconnectés de la carrière professionnelle réelle du demandeur de droits.
II. La préservation de la cohérence de l’économie générale des régimes nationaux de protection sociale au sein de l’Union
A. La protection budgétaire indispensable de l’État membre de résidence contre le financement indu des prestations de soins de santé
Ce mécanisme de coordination garantit que l’État de résidence ne supporte pas indûment le coût des soins des anciens travailleurs migrants déjà retraités. L’objectif consiste à ne pas alourdir les finances des États d’accueil dont la législation ouvre un droit aux soins sur la seule résidence. La charge finale repose logiquement sur l’institution de l’État compétent en matière de pensions où le titulaire a cotisé durant sa vie active. Le dispositif assure ainsi une répartition équitable des charges sociales entre les différents pays membres ayant bénéficié de la force de travail.
B. La légitimation explicite du pouvoir de prélèvement de cotisations sociales sur les pensions de vieillesse versées aux retraités migrants
L’État débiteur de la prestation de vieillesse demeure autorisé à opérer des retenues sur les sommes versées pour financer la couverture maladie obligatoire. Cette faculté confirme que l’État responsable de la pension assume l’essentiel du risque financier lié aux besoins de santé futurs du titulaire. La Cour assure une cohérence parfaite entre les cotisations prélevées durant la carrière et les droits sociaux ouverts pendant la période de retraite. Cette jurisprudence sécurise les ressources des régimes nationaux tout en garantissant aux assurés une continuité de leur protection sociale lors de leurs déplacements.