Cour de justice de l’Union européenne, le 10 septembre 2014, n°C-270/13

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt de la deuxième chambre du 10 septembre 2014, précise les conditions d’accès aux postes de direction portuaire. Cette décision examine la compatibilité d’une condition de nationalité imposée pour la présidence d’une autorité publique avec le principe fondamental de libre circulation des travailleurs.

Un ressortissant d’un autre État membre a été nommé président d’une autorité portuaire par un décret du ministre des Infrastructures et des Transports. Un candidat concurrent a contesté cette nomination devant le Tribunale amministrativo regionale per la Puglia qui a annulé l’acte pour défaut de nationalité italienne. Saisi en appel, le Consiglio di Stato a décidé de surseoir à statuer afin d’interroger la juridiction européenne sur l’interprétation du droit de l’Union. Le requérant au principal soutenait que sa nationalité ne pouvait légalement faire obstacle à l’exercice de fonctions à caractère principalement technique et économique.

Le litige repose sur la possibilité de réserver l’exercice de fonctions dirigeantes aux seuls nationaux lorsque l’emploi comporte certaines prérogatives de puissance publique. La question de droit porte sur l’application de la dérogation prévue pour les emplois dans l’administration publique à un poste de président d’autorité portuaire. La Cour répond que l’article 45, paragraphe 4, du Traité « n’autorise pas un État membre à réserver à ses ressortissants l’exercice des fonctions de président d’une autorité portuaire ».

I. L’affirmation de la qualité de travailleur et la rigueur de l’exception publique

A. La caractérisation autonome de la relation de subordination

La notion de travailleur possède une portée autonome propre au droit de l’Union et ne doit jamais faire l’objet d’une interprétation restrictive. La relation de travail est établie dès lors qu’une personne accomplit des prestations réelles sous la direction d’autrui moyennant le versement d’une rémunération.

Le président de l’autorité portuaire agit sous le contrôle du ministre qui peut le révoquer en cas de mauvaise gestion financière ou d’irrégularités. Cette subordination et le caractère régulier du traitement perçu confirment que le dirigeant doit être qualifié de travailleur au sens du droit européen.

B. L’interprétation restrictive de l’exception liée à la puissance publique

Le traité exclut de la libre circulation les emplois dans l’administration publique qui supposent une participation directe à l’exercice de la puissance publique. Cette exception vise uniquement les postes dont les titulaires assument la « sauvegarde des intérêts généraux de l’État » ou des autres collectivités publiques.

Le juge européen impose une lecture étroite de cette dérogation afin de limiter sa portée au strict nécessaire pour protéger les intérêts nationaux. L’analyse des missions dévolues au président doit donc être évaluée au regard de leur importance effective dans le fonctionnement global de l’autorité portuaire.

II. La primauté de la libre circulation face à des prérogatives publiques marginales

A. La prédominance des missions de gestion technique et économique

Les compétences attribuées par la loi nationale au président concernent principalement la coordination des activités commerciales, la direction administrative et la gestion budgétaire. La plupart de ces interventions consistent en des fonctions de proposition au comité portuaire, lequel dispose seul du pouvoir décisionnel en matière stratégique.

La Cour souligne que les autorisations et concessions domaniales sont des « actes de gestion qui obéissent à des considérations de nature principalement économique ». Ces activités techniques et financières ne justifient pas le maintien d’un rapport de solidarité exclusif que scellerait la seule possession de la nationalité.

B. L’illégalité d’une exclusion générale fondée sur des pouvoirs sporadiques

L’existence de pouvoirs d’injonction destinés à assurer la navigabilité ou l’intégrité du domaine maritime constitue une attribution de prérogatives de puissance publique. Toutefois, la Cour juge que ces missions doivent être exercées de façon habituelle pour légitimer une éviction systématique des ressortissants des autres États.

L’exclusion générale est discriminatoire car ces prérogatives d’autorité ne représentent qu’une « part marginale » de l’activité globale et sont exercées de manière occasionnelle. La solution renforce l’effet utile du principe de non-discrimination en interdisant aux États de sanctuariser des emplois publics aux fonctions essentiellement économiques.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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