La Cour de justice de l’Union européenne a rendu cet arrêt le 22 avril 2015 concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux. Le litige porte sur la qualification fiscale d’une société en commandite par actions lors d’une opération d’augmentation de capital par apports en nature. Une entité commerciale souhaitait bénéficier de l’absence d’imposition prévue par le droit de l’Union pour les restructurations de sociétés de capitaux. L’administration fiscale nationale a refusé cette interprétation en soutenant que la structure hybride de la société excluait son rattachement à cette catégorie. Saisie d’un recours, la juridiction administrative de premier ressort a décidé d’interroger la Cour par voie préjudicielle sur la portée de la directive. Il s’agissait de déterminer si une société dont seule une partie du capital est négociable peut être considérée comme une société de capitaux. La Cour décide qu’une telle structure « doit être considérée comme une société de capitaux », même si ses caractéristiques ne concernent qu’une fraction de ses membres. Cette solution repose sur une lecture fonctionnelle des textes européens et sur la volonté de limiter les entraves fiscales aux mouvements de capitaux.
I. L’affirmation d’une conception matérielle et autonome de la société de capitaux
A. L’indifférence de la nomenclature nationale
La Cour souligne que la notion de société de capitaux bénéficie d’une « caractérisation large » qui ne dépend pas d’une forme sociale nationale spécifique. L’absence d’une société dans la liste officielle de la directive ne suffit pas à l’exclure du champ d’application de l’harmonisation. Les juges rappellent que toute entité répondant aux critères matériels constitue une société de capitaux « indépendamment de sa qualification dans le droit de chaque État membre ». La protection offerte par le droit de l’Union s’applique dès lors que la structure remplit les conditions de responsabilité limitée ou de négociabilité. Le juge européen impose ainsi une définition autonome destinée à garantir une application uniforme de la fiscalité indirecte entre les États.
B. L’admission des structures juridiques hybrides
Le texte de la directive n’établit aucun seuil minimal concernant la proportion de capital négociable ou le nombre de membres bénéficiant de la responsabilité limitée. La Cour refuse d’exclure les structures juridiques « à caractère hybride » dont seule une partie des parts est susceptible d’être négociée en Bourse. Elle précise que le législateur de l’Union n’a pas entendu restreindre la qualification aux seules entités dont l’intégralité du capital est négociable. Cette interprétation permet d’inclure les sociétés en commandite par actions malgré la présence d’associés indéfiniment responsables des dettes sociales. La nature mixte de l’entité ne fait donc pas obstacle à sa soumission au régime fiscal protecteur instauré par les textes européens.
II. La primauté de l’objectif d’harmonisation fiscale des mouvements de capitaux
A. La préservation de l’effet utile de la directive
L’objectif de la réglementation consiste à supprimer les obstacles fiscaux susceptibles de « fausser les conditions de concurrence » au sein du marché intérieur. Une interprétation restrictive des critères de qualification permettrait aux États de soumettre indûment des rassemblements de capitaux à des impôts indirects. La Cour considère que la pleine réalisation des objectifs européens suppose que ces opérations ne soient frappées d’imposition que dans des conditions strictes. En intégrant les sociétés hybrides, le juge préserve la libre circulation des capitaux contre les velléités fiscales nationales divergentes. Cette position assure que des opérations économiquement équivalentes reçoivent un traitement identique quelles que soient les subtilités du droit des sociétés local.
B. La cohérence du régime des rassemblements de capitaux
L’économie générale du texte confirme la volonté d’appréhender le « plus grand nombre possible d’entités » susceptibles d’effectuer des opérations de rassemblement de capitaux. La directive prévoit d’ailleurs des dispositions spécifiques pour exclure de la base imposable les apports effectués par des associés indéfiniment responsables. Cette mention expresse prouve que les structures comportant de tels membres sont bien comprises dans le champ d’application global du régime. L’arrêt consacre ainsi la prééminence d’une analyse économique sur une approche purement formelle des différents types de sociétés. La solution garantit une sécurité juridique nécessaire aux acteurs engagés dans des processus de restructuration ou d’augmentation de capital.