La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 11 avril 2013, une décision relative au principe d’égalité entre les hommes et les femmes. Une exploitante agricole ayant élevé deux enfants conteste le rejet de sa demande de participation à un programme de cessation anticipée d’activité. L’administration compétente fonde ce refus sur l’atteinte de l’âge de la retraite, fixé selon des critères nationaux variant d’après la maternité. Après un premier rejet administratif, le Městský soud v Praze annule la décision de l’autorité supérieure au nom de l’absence de motif légitime. Saisie d’un pourvoi, la Cour administrative suprême de la République tchèque décide de surseoir à statuer pour interroger le juge de l’Union. La juridiction de renvoi sollicite une interprétation de la notion d’âge normal de la retraite au regard des principes généraux de non-discrimination. La Cour répond qu’une détermination différenciée de cet âge selon le sexe ou le nombre d’enfants élevés est contraire au droit de l’Union européenne.
**I. La qualification de l’aide à la préretraite comme instrument de politique agricole**
**A. Une mesure structurelle étrangère au champ de la sécurité sociale**
Le juge européen précise que le mécanisme d’aide à la préretraite vise exclusivement à « faciliter la transformation structurelle du secteur agricole ». Cette incitation économique doit permettre de « mieux garantir la viabilité des exploitations » en encourageant le départ prématuré des exploitants les plus âgés. Contrairement aux arguments de certains gouvernements, cette prestation ne relève pas de la sécurité sociale mais de la politique agricole commune. Elle est financée par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole et ne saurait être assimilée à une pension de vieillesse classique.
**B. L’exclusion des dérogations nationales autorisées par le droit de l’Union**
L’absence d’harmonisation de l’âge de la retraite laisse une compétence aux États membres pour définir cette notion dans leur ordre juridique interne. Cependant, les États ne peuvent invoquer les dérogations propres à la sécurité sociale pour justifier des discriminations dans le domaine agricole. La mise en œuvre d’un règlement européen oblige les autorités nationales au « respect des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination ». Le législateur national ne saurait adopter des mesures qui enfreignent les droits fondamentaux consacrés par la Charte de l’Union européenne.
**II. L’application rigoureuse du principe d’égalité de traitement**
**A. La comparabilité objective des exploitants agricoles indépendamment du sexe**
Le principe d’égalité exige que « des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente » sans qu’une justification objective ne soit démontrée. En l’espèce, les exploitants de sexe féminin et masculin se trouvent dans une situation identique au regard de l’objectif de viabilité économique. La finalité du soutien financier est d’encourager la cessation d’activité « indistinctement de leur sexe et du nombre d’enfants qu’ils ont élevés ». Une différence de traitement ne peut se fonder sur des critères biologiques ou familiaux étrangers aux nécessités de la transformation structurelle.
**B. L’interdiction d’un traitement défavorable lié à la maternité**
Le régime national crée une discrimination en imposant aux femmes ayant élevé des enfants un âge de départ plus précoce que pour les hommes. Les demandeurs de la catégorie défavorisée subissent un « traitement défavorable non objectivement justifié » limitant l’accès à une aide financière substantielle. La Cour souligne que les objectifs de la politique agricole peuvent être réalisés sans recourir à un tel traitement discriminatoire envers les femmes. Le respect de l’égalité impose d’octroyer « aux personnes de la catégorie défavorisée des mêmes avantages » que ceux dont bénéficient les personnes privilégiées.