La Cour de justice de l’Union européenne a rendu une décision le 11 décembre 2012 relative au recouvrement des aides d’État déclarées illégales. Cette affaire interroge l’exécution d’un précédent arrêt en manquement constatant l’absence de restitution de subventions publiques par un État membre. Une société bénéficiaire d’aides incompatibles avec le marché commun a été déclarée en faillite sans que les fonds ne soient intégralement reversés. Le Tribunal de commerce de Bilbao a validé un premier plan de liquidation de l’entreprise débitrice le 22 juin 2010. L’Audience provinciale de Biscaye a cependant annulé cette décision par une ordonnance rendue en date du 16 janvier 2012. Une nouvelle structure a repris l’activité industrielle en utilisant gratuitement les actifs et les marques de l’entreprise défaillante pendant la procédure. L’institution européenne a adressé une mise en demeure complémentaire à l’État avant de saisir la juridiction pour solliciter des sanctions pécuniaires. Le gouvernement soutenait que l’inscription de la créance au passif de la liquidation suffisait à régulariser sa situation au regard du droit de l’Union. La question posée est de savoir si l’enregistrement comptable de la dette publique suffit à éliminer la distorsion de concurrence malgré la survie de l’activité. La Cour juge que l’obligation de récupération persiste tant que l’avantage concurrentiel profite encore à une entité économique liée à la structure originelle. Le commentaire examinera d’abord l’insuffisance de l’inscription au passif (I), puis la sévérité des sanctions pécuniaires prononcées (II).
I. L’insuffisance de l’inscription au tableau des créances en cas de poursuite d’activité
A. L’exigence de cessation définitive de l’activité subventionnée
Le juge rappelle que le rétablissement de la situation antérieure suppose normalement la restitution intégrale des sommes perçues par l’entreprise bénéficiaire. En cas de faillite, l’inscription au tableau des créances peut constituer une modalité acceptable de récupération des aides déclarées illégales par l’institution. Cette mesure ne libère l’État de ses obligations que si elle conduit à la disparition effective de l’entité sur le marché concurrentiel. La Cour souligne que cette procédure « ne permet de satisfaire à l’obligation de récupération que si la procédure de faillite aboutit à la cessation définitive de son activité ». L’absence de récupération physique des fonds impose donc une neutralisation totale de la présence économique du bénéficiaire pour restaurer une concurrence saine.
B. La persistance de l’avantage concurrentiel au profit d’une nouvelle entité
L’analyse se déplace vers l’entité ayant repris les moyens de production sans verser de contrepartie financière correspondant aux conditions normales du marché. Une telle société peut « être tenue au remboursement des aides en cause » lorsqu’elle conserve la jouissance effective de l’avantage concurrentiel initialement octroyé. Le juge constate que la nouvelle structure utilise gratuitement les immeubles et les marques pour fabriquer des produits identiques à la société en liquidation. Cette situation maintient artificiellement une position de force qui nuit aux autres opérateurs économiques agissant sans soutien public sur le territoire européen. L’inscription formelle de la dette au passif ne suffit pas à effacer la rupture d’égalité provoquée par le maintien de l’appareil productif subventionné.
II. La rigueur des sanctions pécuniaires face à un manquement prolongé
A. La proportionnalité de l’astreinte journalière comminatoire
La Cour dispose du pouvoir d’infliger des sanctions financières pour inciter l’État membre défaillant à modifier son comportement dans les plus brefs délais. La détermination du montant journalier repose sur la gravité de l’infraction, sa durée et la capacité de paiement de l’entité étatique responsable. Le juge considère qu’une astreinte de cinquante mille euros par jour est adaptée aux circonstances particulières de l’espèce. Cette somme vise à exercer une pression suffisante pour contraindre le gouvernement à prendre des mesures d’exécution concrètes et immédiates. La persistance du manquement depuis plus de dix ans justifie l’application d’un critère de coercition particulièrement élevé pour garantir l’effet utile du droit.
B. Le caractère dissuasif de la somme forfaitaire imposée
L’imposition d’une somme forfaitaire s’ajoute à l’astreinte pour sanctionner la période d’inexécution écoulée entre le premier arrêt et la présente décision judiciaire. La Cour retient un montant de vingt millions d’euros en raison de la durée exceptionnellement longue de l’infraction constatée par les services européens. Elle rejette l’argument tiré de la complexité des procédures nationales de faillite pour excuser le retard dans la mise en œuvre du recouvrement. Cette condamnation pécuniaire marque la volonté du juge de prévenir toute répétition future de comportements similaires portant atteinte à l’intégrité du marché intérieur. L’ampleur du forfait souligne l’importance fondamentale des règles relatives aux aides d’État pour assurer une concurrence non faussée entre les acteurs économiques.