Cour de justice de l’Union européenne, le 11 décembre 2014, n°C-113/13

La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du 11 décembre 2014, précise l’articulation entre le droit des marchés publics et le recours aux organismes de bénévolat. Une autorité régionale avait adopté une mesure limitant le remboursement des prestations de transport sanitaire aux seuls coûts directs et à une fraction des frais généraux. Une entité évincée a contesté cette réglementation devant la juridiction de première instance qui a accueilli ses prétentions en invoquant les principes du traité. Saisi du litige, le Consiglio di Stato a sollicité l’interprétation de la Cour sur la possibilité de privilégier les associations de bénévolat pour ce service d’urgence. Le problème juridique porte sur la conformité au droit de l’Union d’une législation nationale permettant l’attribution directe de services sanitaires à des organismes sans but lucratif. La Cour juge que les articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ne s’opposent pas à un tel système sous conditions strictes.

I. La soumission des conventions de bénévolat au droit des marchés publics

La Cour affirme d’abord que le caractère non lucratif d’une entité ne l’exclut pas du champ d’application des règles relatives à la commande publique européenne. Elle rappelle que les organismes de bénévolat peuvent entrer en concurrence avec des entreprises commerciales pour l’attribution de certains marchés de prestations de services. Cette interprétation garantit l’ouverture à la concurrence la plus large possible au sein des États membres conformément aux objectifs de la directive de coordination des procédures. En l’espèce, l’accord-cadre conclu avec des représentants du secteur bénévole constitue un marché public malgré l’absence de recherche de bénéfices par les prestataires. Le juge européen souligne que « la circonstance qu’il soit conclu pour le compte d’entités ne poursuivant pas de but lucratif n’est pas de nature à exclure cette qualification ».

L’onérosité du contrat de service ne dépend pas de l’existence d’une marge bénéficiaire mais de la réalité d’une contrepartie financière versée par l’autorité publique. La décision précise que le mode de rémunération, limité au simple remboursement des frais exposés, ne suffit pas à soustraire la convention à la qualification de marché. La Cour écarte l’idée qu’une prestation fournie au prix de revient puisse être considérée comme gratuite au sens juridique du droit de l’Union. Elle énonce clairement qu’« un contrat ne saurait échapper à la notion de marché public du seul fait que la rémunération prévue reste limitée au remboursement des frais encourus ». Dès lors, l’attribution de ces services doit en principe respecter les obligations de publicité et de mise en concurrence pour éviter toute discrimination indirecte.

II. La validation conditionnée du recours prioritaire au bénévolat

Le droit de l’Union reconnaît la compétence des États membres pour organiser leurs systèmes de santé en privilégiant des principes de solidarité et d’efficacité budgétaire. La protection de la santé et de la vie des personnes occupe le premier rang des intérêts protégés par les traités européens selon une jurisprudence constante. Les États disposent d’une marge d’appréciation pour définir le niveau de protection souhaité et les modalités d’organisation des services de secours d’urgence. Un État peut estimer que le recours prioritaire à des associations de bénévolat correspond à la finalité sociale du transport sanitaire et favorise la maîtrise des coûts. L’objectif de maintenir un service médical équilibré et accessible à tous permet ainsi de justifier certaines dérogations aux règles habituelles de mise en concurrence.

L’attribution directe n’est toutefois régulière que si les associations concernées respectent scrupuleusement le cadre légal du bénévolat sans poursuivre d’objectifs lucratifs occultes. Les organismes conventionnés ne doivent réaliser aucun profit de leurs prestations et ne peuvent procurer aucun avantage financier à leurs membres sous couvert de remboursements. La Cour exige que le recours à des travailleurs salariés reste limité aux nécessités strictes du fonctionnement régulier de l’association pour préserver l’esprit de solidarité. Le juge national doit vérifier que le système « contribue effectivement à la finalité sociale ainsi qu’à la poursuite des objectifs de solidarité et d’efficacité budgétaire ». Cette condition interdit toute pratique abusive qui transformerait le statut de bénévole en un avantage concurrentiel déloyal vis-à-vis des opérateurs économiques classiques.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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