Cour de justice de l’Union européenne, le 11 décembre 2014, n°C-249/13

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 11 décembre 2014 une décision relative à l’application du droit d’être entendu. Ce litige concerne l’articulation entre les procédures de retour des étrangers en séjour irrégulier et le respect des droits de la défense. Un ressortissant d’un pays tiers a séjourné sur le territoire national avec un titre d’étudiant avant l’expiration de ses droits au séjour. Lors d’un entretien avec les services de police, l’administration a examiné sa situation personnelle puis a immédiatement édicté une obligation de quitter le territoire. L’intéressé a contesté cette mesure devant le tribunal administratif de Pau le 18 février 2013 en invoquant une violation de son droit à une audition utile. La juridiction administrative a décidé le 30 avril 2013 de surseoir à statuer afin d’interroger les juges de Luxembourg sur le contenu des garanties procédurales requises. Le problème de droit porte sur l’étendue des prérogatives dont dispose un étranger avant l’adoption d’une décision de retour susceptible d’affecter ses intérêts. La Cour affirme que le droit d’être entendu impose de recueillir les observations de l’intéressé sans toutefois exiger une communication préalable du dossier administratif. L’analyse portera d’abord sur la consécration d’un droit à l’audition effectif avant d’aborder l’encadrement des modalités d’exercice de ce droit.

I. Consécration d’un droit à l’audition effectif

**A. L’affirmation du droit d’être entendu comme principe général** Le droit d’être entendu constitue une composante essentielle des droits de la défense dont le respect s’impose à toutes les administrations nationales. Les juges soulignent que ce principe fondamental « garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue ». L’autorité administrative doit examiner avec soin les éléments pertinents afin de prendre une décision éclairée au regard de la situation individuelle traitée. Cette garantie procédurale s’applique même en l’absence de dispositions textuelles expresses prévoyant une telle formalité dans la réglementation nationale ou européenne applicable. Le respect de ce droit permet à l’administré de corriger une erreur ou de faire valoir des faits nouveaux militant en sa faveur. Cette exigence assure une protection effective des individus face aux mesures individuelles qui affectent de manière défavorable leurs intérêts juridiques ou personnels.

**B. L’objet étendu de l’audition administrative** L’audition doit porter sur l’ensemble des conditions liées au séjour irrégulier ainsi que sur les conséquences humaines d’un éventuel éloignement du territoire. L’intéressé doit pouvoir s’exprimer sur « la légalité de son séjour » et sur les exceptions prévues par la directive relative aux normes de retour. L’administration est tenue de prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant, la vie familiale ainsi que l’état de santé du ressortissant étranger concerné. Ces éléments de fait influencent directement la décision de retour ou le choix de l’autorité de s’abstenir d’édicter une telle mesure d’éloignement. Le droit d’être entendu englobe également les modalités d’exécution du départ, notamment le délai accordé pour quitter volontairement le territoire national vers l’étranger. L’intéressé doit ainsi fournir toutes les informations nécessaires à l’appréciation de sa situation personnelle lors de cet échange avec les autorités compétentes. Cette audition globale constitue le socle du respect des droits de la défense dans le cadre des procédures d’éloignement.

II. Encadrement des modalités d’exercice du droit

**A. L’absence d’obligations procédurales préalables rigides** Si le droit à l’audition est garanti, ses modalités d’exercice demeurent strictement encadrées pour préserver l’efficacité de l’action administrative. Le droit de l’Union n’impose pas à l’autorité administrative de prévenir le ressortissant étranger de son intention d’adopter une mesure de retour. La Cour de justice estime que cette garantie « n’oblige l’autorité nationale compétente ni à prévenir ce ressortissant […] ni à lui communiquer les éléments ». L’administration peut recueillir les observations orales de l’individu sans lui accorder systématiquement un délai de réflexion préalable avant la tenue de l’entretien. Cette souplesse procédurale répond à l’objectif d’efficacité de la politique européenne de retour des personnes dont le séjour est devenu irrégulier. L’exigence de célérité justifie que l’audition se déroule immédiatement après la constatation de l’irrégularité du séjour par les services de police compétents.

**B. Le libre recours à l’assistance d’un conseil** Tout administré dispose de la faculté de solliciter l’aide d’un avocat pour l’assister lors de son audition devant les autorités administratives nationales. Cette assistance juridique s’exerce aux frais exclusifs de l’intéressé puisque les États membres ne sont pas tenus d’offrir une aide juridictionnelle gratuite. L’exercice de ce droit demeure toutefois subordonné à la condition qu’il « n’affecte pas le bon déroulement de la procédure de retour » engagée. L’efficacité de la directive européenne prévaut sur la mise en place d’un formalisme excessif qui ralentirait indûment le processus d’éloignement du territoire. Les garanties juridictionnelles complètes interviennent ultérieurement lors de l’exercice des voies de recours contre la décision de retour devant les tribunaux administratifs. La solution retenue par la Cour concilie la protection des droits fondamentaux des individus avec les nécessités impérieuses de la police des étrangers.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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