La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, dans l’affaire C-678/11 le 11 décembre 2014, une décision capitale relative aux services financiers. Un État membre imposait aux fonds de pension et aux compagnies d’assurances étrangers l’obligation de désigner un représentant fiscal résidant sur son territoire. Cette exigence visait les entités établies dans d’autres pays de l’Union souhaitant proposer des plans de retraite professionnelle ou des services d’assurance. Une institution européenne a introduit un recours en manquement, estimant que cette législation créait une entrave injustifiée aux libertés garanties par les traités. Le litige portait sur la compatibilité d’une telle mesure de contrôle fiscal avec les principes de libre circulation des services financiers transfrontaliers. Les juges devaient déterminer si l’obligation de représentation constitue un moyen proportionné pour assurer le recouvrement des impôts et l’efficacité des contrôles. La juridiction a conclu qu’en adoptant ces dispositions, l’autorité nationale « a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 56 TFUE ». L’examen de cette décision impose d’analyser d’abord l’existence d’une entrave à la libre prestation de services avant d’apprécier le caractère disproportionné de la mesure.
I. L’entrave à la libre prestation des services transfrontaliers
A. La qualification d’une restriction à l’accès au marché
Le droit de l’Union interdit les mesures nationales qui rendent moins attrayant l’exercice de la libre prestation de services entre les États membres. L’obligation de « nommer un représentant fiscal résidant dans cet État membre » impose des charges administratives et des coûts supplémentaires aux prestataires non résidents. Ces contraintes financières pèsent lourdement sur les fonds de pension et les assureurs, les décourageant de pénétrer le marché intérieur de l’État concerné. Cette mesure constitue une entrave car elle complique l’offre de services financiers pour les organismes n’ayant pas de siège sur le territoire national.
B. L’atteinte au principe de non-discrimination
La réglementation nationale instaure une distinction de traitement fondée sur le lieu d’établissement des prestataires de services opérant dans le secteur financier. Les opérateurs locaux ne sont pas soumis à cette exigence de désignation, bénéficiant ainsi d’un avantage concurrentiel sur les entités d’autres États membres. Cette inégalité de traitement fragilise l’intégration économique européenne en créant des barrières artificielles à la libre circulation des capitaux et des services. L’analyse de cette restriction conduit naturellement à s’interroger sur la légitimité des objectifs poursuivis par l’autorité nationale pour justifier un tel dispositif.
II. Le caractère disproportionné de l’exigence de représentation fiscale
A. L’insuffisance des justifications liées à l’efficacité des contrôles
L’administration soutenait que la présence d’un représentant résident garantissait le paiement effectif des dettes fiscales et la surveillance des activités financières. La protection de l’ordre public financier et la lutte contre l’évasion fiscale représentent certes des raisons impérieuses d’intérêt général pour le juge. Cependant, la Cour estime que l’obligation systématique de nommer un mandataire local excède les limites de ce qui est nécessaire pour l’administration. La mesure est jugée excessive puisque des moyens moins contraignants permettraient d’atteindre des résultats identiques sans entraver les libertés économiques fondamentales.
B. La primauté des mécanismes de coopération administrative
Les autorités nationales peuvent utiliser les instruments européens de coopération pour obtenir les informations fiscales indispensables au contrôle des entités étrangères. L’assistance mutuelle entre les administrations des États membres permet de recouvrer les créances sans imposer une présence physique permanente ou un intermédiaire. Cette entrave ne saurait être validée dès lors qu’une solution alternative moins restrictive préserve tant les intérêts fiscaux que les libertés du traité. La solution confirme que les formalités nationales ne doivent pas s’opposer à la fluidité des échanges lorsque des procédures simplifiées sont disponibles.