La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 11 février 2015, se prononce sur l’interprétation du principe de non-discrimination tarifaire. Un opérateur historique de services postaux a modifié son système de remises conventionnelles pour l’année 2010. Ce nouveau régime introduisait un rabais quantitatif calculé sur le volume d’envois généré individuellement par chaque expéditeur final. Une autorité de régulation nationale a sanctionné cette pratique en considérant qu’elle créait une discrimination injustifiée au détriment des intermédiaires postaux. Ces derniers regroupent les plis de plusieurs clients mais ne bénéficient plus des tarifs préférentiels réservés aux très gros expéditeurs. Saisie d’un recours en annulation, la Cour d’appel de Bruxelles a sollicité la juridiction européenne par voie préjudicielle. Le litige porte sur la conformité de ce système de rabais par expéditeur au regard de l’article 12 de la directive 97/67. La Cour doit déterminer si les intermédiaires et les expéditeurs se trouvent dans une situation comparable justifiant une égalité de traitement tarifaire. Elle conclut que le principe de non-discrimination ne s’oppose pas à une telle différenciation basée sur l’origine des envois.
I. L’exigence de comparabilité au cœur du grief de discrimination
A. La spécificité des rabais quantitatifs par expéditeur
L’arrêt précise d’emblée que les tarifs du service universel doivent respecter le principe de non-discrimination tant pour les tarifs généraux que spéciaux. La Cour rappelle que ce principe exige que « des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente ». Le système litigieux repose sur une distinction entre les remises opérationnelles et les rabais strictement quantitatifs liés au volume. Les intermédiaires estimaient subir un préjudice car leurs volumes globaux agrégés n’ouvraient plus droit aux réductions maximales accordées aux expéditeurs uniques. Cette modification visait à rétribuer la fidélité de l’expéditeur initial plutôt que le simple regroupement technique opéré par un prestataire tiers.
B. La distinction entre intermédiaires et expéditeurs finaux
Pour rejeter l’existence d’une discrimination, le juge européen examine si les deux catégories de clients se trouvent dans une situation identique. Il souligne que l’expéditeur est défini comme la personne « qui est à l’origine des envois postaux » selon la directive. À l’inverse, l’activité des intermédiaires consiste à collecter des plis sans nécessairement générer un volume de courrier supplémentaire pour l’opérateur. La Cour estime donc qu’il faut « limiter la comparaison de la situation des expéditeurs à celle des intermédiaires » se bornant à rassembler des envois. Cette approche fonctionnelle permet d’écarter une vision purement comptable des volumes déposés au guichet pour se concentrer sur l’origine du flux.
II. La légitimité d’une différenciation tarifaire finalisée
A. La poursuite d’un objectif de stimulation de la demande
La validité de la mesure dépend de sa capacité à répondre à un objectif légitime lié à l’équilibre du secteur postal. Les rabais quantitatifs cherchent à « stimuler la demande dans le domaine des services postaux » face à la concurrence croissante du courrier électronique. Les expéditeurs sont en effet les seuls acteurs capables d’augmenter le volume global de courrier traité par le prestataire universel. Un intermédiaire qui regroupe des envois existants ne crée pas de nouveaux flux mais se contente de réorienter des volumes déjà produits. Le système de remise individuelle incite ainsi chaque client à accroître sa propre production pour atteindre des paliers tarifaires plus avantageux.
B. La protection de l’équilibre financier du service universel
L’arrêt écarte l’application automatique d’une jurisprudence antérieure qui concernait uniquement les rabais opérationnels liés aux coûts évités par l’opérateur. La Cour considère que l’octroi de remises agrégées aux intermédiaires pourrait paradoxalement « compromettre l’objectif d’augmenter la demande de services postaux ». Un expéditeur pourrait bénéficier indirectement d’un rabais sans augmenter son volume de courrier par le seul biais de la consolidation technique. Une telle situation risquerait d’affecter l’équilibre financier du prestataire en réduisant ses marges sans contrepartie en termes d’économies d’échelle. Le principe de non-discrimination « ne s’oppose pas à un système de rabais quantitatif par expéditeur » tel que celui analysé au principal.