Cour de justice de l’Union européenne, le 11 février 2015, n°C-531/13

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 11 février 2015, précise le champ d’application de l’évaluation des incidences environnementales. Cette décision porte sur l’obligation de soumettre certains forages d’exploration d’hydrocarbures à une procédure d’examen préalable ou à une étude d’impact complète.

Une autorité ministérielle nationale a autorisé la réalisation d’un forage de quatre mille cent cinquante mètres de profondeur sans exiger d’évaluation des incidences sur l’environnement. Le projet prévoyait également une extraction expérimentale limitée de gaz naturel afin de vérifier la rentabilité économique du gisement découvert par les travaux.

Une commune ainsi que plusieurs dizaines de riverains ont contesté cette autorisation devant la juridiction administrative supérieure pour non-respect des règles de protection environnementale. Les requérants soutenaient que l’extraction prévue atteignait des seuils journaliers justifiant une évaluation obligatoire selon les annexes de la directive relative aux projets publics.

Le juge national a décidé de surseoir à statuer afin d’interroger la Cour de justice sur la qualification juridique des forages d’exploration. Il souhaitait savoir si ces travaux relevaient de l’extraction commerciale et comment apprécier le cumul des effets environnementaux avec d’autres installations locales.

La Cour de justice écarte l’application de l’annexe première car un forage d’exploration n’est pas une exploitation commerciale durable au sens de la réglementation européenne. Elle considère toutefois que ces travaux constituent des forages en profondeur soumis à un examen cas par cas incluant les effets cumulatifs de divers projets.

Le raisonnement des juges européens se divise entre l’exclusion des forages d’exploration du régime de l’évaluation obligatoire et l’encadrement strict de l’appréciation discrétionnaire des États membres.

I. L’exclusion des forages d’exploration du régime de l’évaluation obligatoire

A. Une interprétation restrictive de la notion d’extraction commerciale

Le juge européen affirme que l’extraction de pétrole et de gaz doit dépasser quotidiennement des volumes importants pour justifier une évaluation environnementale systématique. L’essai d’extraction réalisé durant une phase de recherche ne répond pas aux critères de pérennité fixés par le législateur de l’Union pour l’exploitation industrielle.

La juridiction précise que « le champ d’application de cette disposition ne s’étend pas aux forages d’exploration » en raison des seuils quantitatifs prévus par le texte. Cette solution repose sur le constat que la capacité d’extraction continue ne peut être déterminée avec certitude qu’après la phase de recherche technique initiale.

B. La cohérence systémique entre l’exploration et les seuils quantitatifs

L’objectif de la directive est de soumettre les projets d’une certaine ampleur à un contrôle rigoureux afin de prévenir les dommages notables sur le milieu naturel. Les forages exploratoires sont limités par des impératifs techniques et ne permettent pas d’atteindre les volumes de production visés par les annexes de l’évaluation obligatoire.

La Cour souligne que l’application automatique des seuils d’extraction commerciale à des travaux de recherche n’aurait aucune utilité pratique pour la protection de l’environnement. L’exclusion du régime automatique n’emporte pas pour autant une immunité totale, la Cour imposant un contrôle de l’impact par d’autres mécanismes de la directive.

II. L’encadrement strict de l’appréciation discrétionnaire des États membres

A. L’intégration des forages d’exploration dans la catégorie des forages en profondeur

Les forages d’exploration entrent dans le champ d’application de l’annexe deuxième qui impose aux États de déterminer la nécessité d’une évaluation selon les caractéristiques locales. Le juge européen considère en effet qu’un tel forage « constitue un forage en profondeur » au sens des dispositions relatives aux projets d’extraction minière.

Les autorités nationales doivent désormais effectuer un examen particulier pour chaque projet afin de vérifier s’il présente des risques notables pour l’écosystème ou la population. Cette démarche oblige l’administration à justifier son choix de dispenser ou non le demandeur d’une étude d’impact détaillée lors de la procédure d’autorisation.

B. L’exigence d’une évaluation globale des incidences environnementales cumulées

L’autorité compétente doit examiner l’impact du forage conjointement avec d’autres projets sans se limiter aux seules installations de même nature présentes sur le territoire. La Cour rappelle que « l’absence de prise en considération de l’effet cumulatif d’un projet avec d’autres projets peut avoir pour résultat pratique de le soustraire à l’obligation ».

La décision précise enfin que « cette appréciation ne saurait dépendre des limites communales » afin de garantir la protection effective de l’environnement dans les zones géographiques concernées. Les juges imposent ainsi une vision transversale et globale qui dépasse les frontières administratives locales pour appréhender la réalité des nuisances écologiques potentielles.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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