Cour de justice de l’Union européenne, le 11 juillet 2013, n°C-57/12

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 11 juillet 2013, précise le champ d’application de la directive 2006/123 relative aux services. Cette décision traite spécifiquement de l’exclusion des prestations de santé et des services sociaux du régime général de la libre circulation des services.

Un litige est apparu en Belgique concernant une réglementation régionale imposant des procédures d’agrément et de programmation aux établissements pour personnes âgées. Une organisation professionnelle a contesté la validité de ces contraintes administratives devant les juridictions nationales compétentes.

La Cour constitutionnelle a saisi la juridiction européenne par une demande de décision préjudicielle enregistrée le 3 février 2012. Le juge national souhaitait savoir si les centres d’accueil de jour et de nuit pouvaient échapper aux règles de la directive.

La question de droit repose sur l’interprétation des notions de soins de santé et de services sociaux au sens de l’article 2 du texte européen. Il s’agit de déterminer si ces structures de soins fournissent des prestations exclues par nature du marché intérieur.

La Cour décide que l’exclusion des soins de santé couvre toute activité visant à rétablir l’état de santé par des professionnels reconnus. Les services sociaux ne sont exclus que si le prestataire privé agit sous un mandat étatique clair et contraignant.

L’analyse de cette jurisprudence portera sur la définition des services exclus du champ d’application avant d’étudier les conditions d’appréciation par le juge national.

I. La clarification des exclusions sectorielles

A. La définition étendue des services de soins de santé

Le juge européen retient une interprétation large de la notion de soins de santé pour garantir la protection de la santé publique nationale. Cette qualification dépend de la finalité thérapeutique de l’acte et de la qualité de son auteur.

La Cour précise que l’exclusion doit couvrir les services fournis par des professionnels de santé aux patients « pour évaluer, maintenir ou rétablir leur état de santé ». Cette protection s’applique indépendamment de l’organisation ou du financement public ou privé.

Les activités doivent être « directement et strictement liées à l’état de la santé humaine » pour être valablement soustraites aux règles européennes. Les prestations destinées uniquement à l’amélioration du bien-être ou à la relaxation restent donc soumises au droit commun du marché intérieur.

B. Les conditions cumulatives d’exclusion des services sociaux

Les services sociaux bénéficient d’une dérogation s’ils assistent des personnes en situation de besoin particulier en raison d’un manque d’indépendance. Cette exclusion vise à protéger les principes fondamentaux de cohésion sociale et de solidarité au sein des États membres.

Le texte précise que ces services sont « essentiels pour garantir le droit fondamental à la dignité et à l’intégrité humaines ». Ils concernent spécifiquement l’aide aux familles et aux personnes risquant une marginalisation durable ou temporaire.

La dérogation suppose que les prestations soient assurées par l’État, par des associations caritatives reconnues ou par des prestataires mandatés. Cette exigence organique limite la portée de l’exclusion aux seuls acteurs intégrés dans une mission de service d’intérêt général.

II. Les critères d’appréciation de l’applicabilité de la directive

A. La prépondérance de l’activité médicale ou sociale

Il incombe désormais à la juridiction nationale de vérifier la nature exacte des activités fournies à titre principal par les centres d’accueil. L’exclusion du champ d’application de la directive ne peut être invoquée que si les soins constituent la part majeure des services.

Le juge doit examiner si les actes « visent réellement à évaluer, à maintenir ou à rétablir l’état de santé des personnes âgées ». Ces interventions doivent nécessairement être réalisées par un professionnel de santé reconnu par la législation de l’État membre concerné.

La Cour souligne que les centres ne sortent du cadre commun que s’ils assurent « à titre principal » des activités médicales ou sociales. Cette précision impose une analyse concrète de chaque établissement pour éviter des stratégies de contournement du droit européen des services.

B. L’exigence d’un mandat étatique clair et contraignant

Le prestataire privé souhaitant bénéficier de l’exclusion relative aux services sociaux doit démontrer l’existence d’un mandat explicite de la puissance publique. Une simple autorisation d’exercer ne suffit pas à caractériser l’obligation de service social au sens de la directive.

Le mandat implique « l’engagement contraignant de fournir les services » dans le respect de conditions spécifiques de continuité et de qualité définies par l’autorité. Ces critères doivent être préalablement fixés de manière objective et transparente pour justifier la dérogation aux règles de concurrence.

L’agrément administratif n’est constitutif d’un mandatement que s’il contient « un acte confiant de manière claire et transparente » une véritable obligation de service. Sans cette contrainte juridique forte, l’activité reste soumise aux principes de liberté d’établissement et de libre prestation de services.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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