Par un arrêt rendu le 28 février 2013, la Cour de justice de l’Union européenne a précisé les conditions de mise en œuvre de la libéralisation ferroviaire. Le litige opposait la Commission européenne à un État membre concernant la transposition incomplète de plusieurs directives relatives au développement des chemins de fer communautaires. La Commission reprochait principalement un manque d’indépendance du gestionnaire d’infrastructure et une absence de mécanismes incitatifs dans la tarification des prestations minimales d’accès au réseau.
À la suite d’une mise en demeure et d’un avis motivé adressé le 9 octobre 2009, la requérante a saisi la Cour de justice d’un recours en manquement. Elle soutenait que la législation nationale maintenait une confusion entre les fonctions essentielles de répartition des sillons et les services de transport. Les autorités nationales ont argué d’une réforme législative postérieure pour justifier leur conformité aux exigences de l’Union.
La juridiction européenne devait déterminer si la participation d’une entreprise ferroviaire aux travaux préparatoires de l’horaire de service compromettait l’accès équitable à l’infrastructure. Elle devait également statuer sur l’obligation pour les États de prévoir des mesures d’incitation à la réduction des coûts de fourniture du réseau ferroviaire. La Cour de justice a accueilli l’essentiel des griefs en rappelant la nécessité d’une séparation organique stricte pour les fonctions de répartition des capacités. Si l’indépendance de l’organisme de répartition constitue un impératif pour garantir la concurrence, le régime des redevances doit également refléter les coûts réels de l’exploitation.
**I. L’indépendance de l’organisme de répartition des capacités ferroviaires**
**A. L’exclusion des entreprises ferroviaires des fonctions préparatoires**
La Cour de justice rappelle que la directive 91/440 garantit un accès non discriminatoire à l’infrastructure ferroviaire par le principe de l’indépendance des fonctions essentielles. Selon les juges, l’adoption des décisions concernant la répartition des sillons inclut nécessairement « la définition et l’évaluation de la disponibilité » du réseau de transport. Une entité fournissant des services de transport ne peut donc pas intervenir dans le processus de décision relatif à l’attribution des capacités d’infrastructure.
En l’espèce, le gestionnaire national était chargé d’établir le projet de nouvel horaire de service et de consulter les parties intéressées sur cette base. La Cour affirme qu’une entreprise ferroviaire « ne saurait se voir confier l’intégralité des travaux préparatoires à l’adoption de décisions relevant des fonctions essentielles ». Cette implication directe risque de favoriser l’opérateur historique au détriment des nouveaux entrants sur le marché libéralisé du transport ferroviaire européen.
**B. La distinction nécessaire entre fonctions essentielles et gestion du trafic**
Le juge de l’Union apporte une nuance importante en distinguant les fonctions de répartition des capacités de celles relevant de la simple gestion de la circulation. La Cour considère ainsi que « la gestion du trafic ne saurait être considérée comme une fonction essentielle devant être confiée à un organisme indépendant ». Cette mission peut donc rester attribuée à un gestionnaire d’infrastructure qui exerce simultanément une activité commerciale de transporteur.
Cette solution se justifie par le fait que la gestion opérationnelle du trafic n’influe pas directement sur l’accès équitable au marché ferroviaire global. Cependant, le recours a été partiellement rejeté sur ce point en raison d’un élargissement irrégulier de l’objet du litige par la Commission durant l’instance. La protection des droits de la défense impose que les griefs soient fixés définitivement lors de la phase précontentieuse de la procédure.
**II. Le régime de tarification et d’incitation à la performance**
**A. L’exigence d’une tarification fondée sur les coûts directs**
Le second volet de la décision concerne la fixation des redevances que les transporteurs doivent acquitter pour accéder aux infrastructures ferroviaires de l’État membre. La Cour souligne que ces sommes doivent être « égales au coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire » conformément à la directive 2001/14. L’utilisation de critères étrangers à l’exploitation ferroviaire, comme la comparaison avec le secteur routier, constitue une violation caractérisée des obligations communautaires.
Par ailleurs, le système de tarification doit impérativement comporter des mécanismes encourageant le gestionnaire à réduire ses coûts de fourniture et le niveau des redevances. La Cour constate l’absence de système d’amélioration des performances visant à réduire les défaillances et à améliorer l’exploitation concrète du réseau ferré national. Ces incitations financières sont indispensables pour assurer l’efficacité économique du secteur ferroviaire et l’attractivité de ce mode de transport pour les usagers.
**B. L’encadrement temporel strict du recours en manquement**
Pour écarter les arguments de défense fondés sur des lois adoptées en cours de procès, la Cour applique sa jurisprudence constante sur la procédure de manquement. Elle rappelle que « l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé ». Les changements législatifs intervenus après l’avis motivé ne peuvent pas être pris en compte pour justifier une régularisation tardive.
La République de Slovénie est ainsi condamnée pour n’avoir pas pris les mesures nécessaires dans le délai imparti par les instances de la Commission européenne. Cette rigueur procédurale assure l’effet utile du droit de l’Union en contraignant les États membres à une transposition rapide et fidèle des directives. Le juge européen confirme ici sa volonté de sanctionner les retards persistants qui entravent la réalisation du marché unique ferroviaire.