Cour de justice de l’Union européenne, le 11 juin 2009, n°C-16/08

Par un arrêt rendu en réponse à une question préjudicielle, la Cour de justice des Communautés européennes a apporté des précisions sur le classement tarifaire de dispositifs électroniques au sein de la nomenclature combinée. L’affaire concernait l’importation de dispositifs à cristaux liquides à matrice active, composés notamment de plaques de verre, d’un substrat de cristaux liquides, de circuits de commande, d’un système de rétroéclairage et d’une interface de transmission de données. Une société importatrice avait déclaré ces marchandises sous une sous-position correspondant à des dispositifs à cristaux liquides non spécifiquement repris ailleurs, bénéficiant d’un taux de droit nul. L’administration douanière nationale a contesté ce classement, considérant que les marchandises devaient être qualifiées de moniteurs vidéo, ce qui impliquait l’application d’un droit de douane de 14 %.

Saisie du litige, l’administration a infligé une amende à la société. Le recours de cette dernière a été rejeté en première instance par le tribunal administratif de district le 12 mai 2006, au motif que les marchandises, bien qu’incomplètes, présentaient les caractéristiques essentielles d’un produit fini. La société a alors interjeté appel devant l’Administratīvā apgabaltiesa. Face à l’incertitude sur l’interprétation de la nomenclature, cette juridiction a saisi la Cour de justice d’une question préjudicielle. Il était demandé à la Cour si des dispositifs à cristaux liquides, tels que ceux décrits, devaient être classés dans la sous-position des moniteurs vidéo. En réponse, la Cour a jugé que cette classification était erronée. Elle a estimé que ces dispositifs ne pouvaient être considérés ni comme des produits finis, ni comme des produits incomplets présentant les caractéristiques essentielles d’un produit fini, car leur fonction finale dépendait de l’ajout ultérieur d’autres composants.

I. L’exclusion des qualifications de composant simple et de produit fini

La Cour de justice opère un double rejet en écartant successivement les deux qualifications tarifaires opposées par les parties. Elle refuse d’abord de considérer les marchandises comme de simples dispositifs à cristaux liquides, puis elle écarte leur assimilation à des moniteurs vidéo finis, en affinant l’interprétation de la notion de « caractéristique essentielle ».

A. Le rejet de la qualification de simple dispositif à cristaux liquides

La Cour examine en premier lieu la pertinence de la sous-position 9013 80 20, qui concerne les « dispositifs à cristaux liquides à matrice active ». Elle constate que la composition des marchandises en cause est plus complexe que celle visée par cette position. En effet, les modules importés ne se limitent pas à une structure de base à cristaux liquides, mais intègrent des éléments fonctionnels significatifs. La Cour relève que « les dispositifs en cause au principal sont en fait équipés également d’éléments non mentionnés dans cette sous-position, notamment d’un rétroéclairage, d’une alimentation du rétroéclairage et d’un bloc de contrôle pour l’adressage des pixels ». Cette complexité matérielle excède manifestement le cadre d’un simple composant optique et justifie son exclusion de la position 9013, qui a une portée plus résiduelle.

B. L’inapplicabilité de la qualification de produit fini en l’absence de caractéristiques essentielles

La Cour analyse ensuite la qualification de moniteur vidéo, relevant de la sous-position 8528 21 90. Pour ce faire, elle se réfère à la règle générale d’interprétation 2 a), qui permet de classer un article incomplet comme un article complet s’il en présente les « caractéristiques essentielles ». L’administration douanière et la juridiction de première instance avaient estimé cette condition remplie. La Cour censure ce raisonnement en soulignant la polyvalence des dispositifs et leur état d’inachèvement fonctionnel. Elle juge que « tel ne semble pas être le cas des marchandises en cause au principal pour autant que leur usage final dépende des éléments supplémentaires qui vont leur être ajoutés au cours du cycle suivant de production ». L’absence de tuner ou d’interface vidéo dédiée empêche le dispositif d’assurer par lui-même la fonction d’un moniteur. La multiplicité des usages possibles (ordinateur, téléviseur, équipement médical) confirme qu’aucune caractéristique essentielle ne s’est encore cristallisée au stade de l’importation.

II. La consécration de la qualification de partie et son incidence interprétative

Après avoir invalidé les qualifications extrêmes, la Cour de justice oriente la juridiction nationale vers une troisième voie, celle de la qualification de « partie » d’un appareil. Cette solution pragmatique démontre la volonté de la Cour de fournir une interprétation utile tout en respectant la répartition des compétences avec les juges nationaux.

A. L’affirmation du statut de partie destinée à un appareil spécifique

La Cour suggère une alternative logique en se fondant sur les notes explicatives du Système harmonisé. Elle estime que les dispositifs pourraient être classés en tant que parties destinées à des appareils relevant de la position 8528. Elle indique que ces marchandises pourraient « être classés, conformément à la note explicative du sh relative à la position 8528, dans la position 8529 de la nc (‘Parties reconnaissables comme étant exclusivement ou principalement destinées aux appareils des nos 8525 à 8528’) ». Cette approche repose sur le critère de la destination, non pas d’un produit fini, mais d’un composant identifiable comme appartenant à un ensemble plus large. Le caractère « reconnaissable » de la destination s’appuie sur les propriétés objectives des marchandises qui, bien que polyvalentes, sont clairement conçues pour être intégrées dans des équipements d’affichage vidéo.

B. La portée de l’interprétation pour la juridiction de renvoi

En dernier lieu, la Cour se garde bien de trancher définitivement le litige, rappelant ainsi la nature de sa mission dans le cadre d’un renvoi préjudiciel. Elle fournit une clé d’interprétation, mais laisse à la juridiction nationale le soin d’opérer la classification finale. La Cour précise en effet qu’« il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si les dispositifs à cristaux liquides en cause au principal possèdent les caractéristiques et les propriétés objectives nécessaires pour être considérés comme des marchandises étant exclusivement ou principalement destinées aux appareils des positions 8525 à 8528 de la nc ». Cette démarche illustre la collaboration entre les ordres juridiques européen et national. La Cour énonce le droit, mais l’application aux faits de l’espèce demeure la prérogative du juge national, qui est ainsi guidé pour résoudre le litige de manière conforme au droit de l’Union.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture