La Cour de justice de l’Union européenne, siégeant à Luxembourg, a rendu le 11 juin 2014 un arrêt déterminant sur la hiérarchie des bases juridiques. Le litige concernait une décision relative à la signature d’un accord-cadre de partenariat conclu entre l’organisation et un État tiers situé en Asie. Initialement, la proposition d’acte reposait sur les dispositions relatives à la politique commerciale commune et à la coopération au développement, conformément aux traités constitutifs. L’institution auteur de l’acte a toutefois ajouté, lors de l’adoption finale, des fondements textuels spécifiques concernant la réadmission, les transports ainsi que l’environnement. L’institution requérante a alors saisi la juridiction afin d’obtenir l’annulation partielle de cette décision, contestant la nécessité de ces ajouts juridiques complémentaires. Elle soutenait que les domaines précités étaient déjà absorbés par la politique de développement, tandis que l’institution auteur de l’acte invoquait l’autonomie des engagements souscrits. La question posée aux juges consistait à savoir si des clauses techniques intégrées dans un accord de partenariat global imposent le recours à des bases juridiques sectorielles. La juridiction décide d’annuler l’acte contesté en considérant que les mesures litigieuses ne constituent pas des objectifs distincts de la politique de développement. Cette solution repose sur une lecture large des compétences externes de l’organisation, justifiant d’analyser d’abord l’absorption des matières spécifiques avant d’étudier la protection de l’unité décisionnelle.
**I. L’absorption des domaines sectoriels par la politique de coopération au développement**
**A. La finalité inclusive du développement économique et social**
La juridiction rappelle que le choix du fondement textuel d’un acte européen « doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel ». L’analyse porte principalement sur le but et le contenu de l’engagement international afin de déterminer si une composante prépondérante peut être isolée. À cet égard, les juges soulignent que la politique de développement ne se limite pas strictement aux mesures visant l’éradication immédiate de la pauvreté extrême. Ils estiment que cette compétence « poursuit aussi les objectifs visés à l’article 21, paragraphe 2, TUE », incluant le soutien au développement durable et environnemental. La coopération au développement constitue ainsi un cadre global capable d’intégrer des thématiques variées sans pour autant perdre sa qualification juridique propre.
La décision précise que la notion de développement durable englobe nécessairement des aspects liés aux transports, aux migrations et à la protection des ressources naturelles. L’accord commenté affiche d’ailleurs une volonté claire de favoriser le progrès socio-économique durable et de réaliser les objectifs internationaux de croissance humaine. Les juges observent que les clauses litigieuses contribuent directement à la poursuite des finalités transversales assignées à l’action extérieure de l’organisation européenne. L’intégration de domaines techniques au sein d’un partenariat global n’altère pas la nature profonde de l’acte de coopération au développement.
**B. L’absence d’obligations autonomes de portée substantielle**
Pour rejeter le cumul des bases juridiques, la Cour applique le critère de l’accessoire par rapport à l’objectif principal de la décision attaquée. Elle considère que « la présence, dans un accord de coopération au développement, de clauses concernant différentes matières spécifiques ne saurait modifier la qualification de cet accord ». Une base juridique supplémentaire n’est requise que si les clauses comportent des obligations d’une portée telle qu’elles constituent des objectifs réellement distincts. Or, les dispositions relatives à l’environnement et aux transports se limitent ici à des déclarations d’intention sans fixer de modalités concrètes de mise en œuvre. Elles ne définissent aucun cadre contraignant qui excéderait la simple animation d’un dialogue politique ou technique entre les parties signataires de l’accord.
S’agissant de la réadmission des ressortissants, les juges admettent l’existence d’engagements plus précis mais refusent d’y voir une finalité autonome du traité international. Ils notent que la réadmission figure comme l’un des axes de la coopération migratoire sans faire l’objet de stipulations détaillées permettant sa pleine application. La juridiction conclut finalement que ces dispositions « ne contiennent pas d’obligations d’une portée telle qu’il puisse être considéré qu’elles constituent des objectifs distincts ». L’absence de densité normative des clauses sectorielles justifie leur maintien sous l’égide exclusive de la base juridique relative au développement.
**II. La protection de l’unité du processus décisionnel au sein de l’action extérieure**
**A. Le refus d’une fragmentation inutile des fondements textuels**
Le raisonnement de la juridiction vise à prévenir une multiplication excessive des bases juridiques qui pourrait vider de sa substance la compétence de développement. Exiger un fondement spécifique pour chaque matière affectée reviendrait à complexifier inutilement l’adoption des accords de partenariat avec les pays tiers. La Cour insiste sur le fait que la politique de coopération au développement est « menée dans le cadre d’un large éventail d’objectifs politiques ». Elle valide ainsi une approche synthétique où l’objet essentiel de l’acte l’emporte sur le détail des clauses particulières de coopération technique. Cette position assure une cohérence formelle à l’acte international tout en facilitant la conduite des relations diplomatiques de l’organisation.
L’arrêt confirme que le cumul de bases juridiques demeure une exception strictement encadrée par le droit primaire et la jurisprudence constante de la Cour. Ce cumul n’est envisageable que si plusieurs objectifs sont liés de façon indissociable sans qu’aucun ne soit second ou indirect par rapport à l’autre. En l’occurrence, l’institution auteur de l’acte avait indûment scindé les composantes de l’accord pour justifier l’ajout de procédures législatives propres à chaque domaine sectoriel. La juridiction censure cette démarche en rappelant que le caractère accessoire de certains volets interdit le recours à des fondements textuels complémentaires.
**B. La préservation de la cohérence des procédures de vote**
Le choix de la base juridique emporte des conséquences majeures sur le mode de scrutin applicable au sein de l’institution auteur de l’acte. L’ajout de fondements liés à l’espace de liberté, de sécurité et de justice entraînait l’application de protocoles spécifiques concernant certains États membres. L’institution requérante dénonçait à juste titre une incertitude sur le degré d’exercice des compétences de l’organisation et une possible limitation des droits institutionnels. En annulant partiellement la décision, la Cour garantit que le processus législatif reste fidèle à la nature réelle de l’action entreprise. Elle protège ainsi l’équilibre institutionnel en évitant que des considérations procédurales ne dictent artificiellement le choix des bases juridiques d’un acte.
La solution retenue renforce la sécurité juridique nécessaire à la conclusion d’accords internationaux globaux avec des partenaires extérieurs à l’organisation européenne. La juridiction affirme que l’évolution des compétences de l’organisation ne doit pas conduire à une segmentation rigide de ses interventions internationales. L’unité de la base juridique de développement permet de couvrir l’ensemble des activités nécessaires à la réalisation des objectifs de solidarité internationale. Cette jurisprudence assure finalement que la procédure de décision demeure proportionnée à l’objectif principal recherché par les institutions européennes.