Cour de justice de l’Union européenne, le 11 juin 2020, n°C-146/19

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 6 octobre 2025, a précisé l’interprétation de la directive relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée. Cette décision détermine les conditions de réduction de la base d’imposition pour des créances irrécouvrables au sein d’une procédure de faillite.

Dans cette espèce, un assujetti a sollicité la réduction de la taxe acquittée pour une créance impayée suite à l’insolvabilité de son débiteur. L’administration fiscale a rejeté cette demande car la créance n’avait pas été préalablement déclarée dans le cadre de la procédure collective.

Le litige a conduit la juridiction nationale à interroger la Cour sur la compatibilité d’une telle exigence formelle avec le droit de l’Union. Le demandeur soutenait que l’absence de déclaration n’avait aucune incidence sur l’impossibilité matérielle de recouvrer les sommes dues par le débiteur.

La question posée consistait à déterminer si le droit à réduction de la taxe peut être subordonné au respect d’une formalité déclarative nationale. La Cour devait ainsi arbitrer entre l’autonomie procédurale des États membres et le principe de neutralité fiscale inhérent au système commun.

La juridiction énonce que le droit communautaire « s’opposent à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle le droit à réduction […] est refusé ». Elle souligne que ce refus est illégitime dès lors que l’assujetti démontre que la créance n’aurait pas été recouvrée.

Il convient d’étudier l’affirmation du droit à réduction face aux exigences nationales (I), puis les devoirs du juge pour garantir l’effet utile du droit (II).

I. L’affirmation du droit à réduction face aux exigences formelles nationales

A. La prépondérance de l’irrécouvrabilité matérielle de la créance

L’article 90 de la directive 2006/112 consacre le principe de réduction de la base d’imposition en cas de non-paiement total ou partiel du prix. Cette disposition constitue l’expression du principe de neutralité interdisant que l’assujetti supporte une taxe supérieure à celle qu’il a effectivement perçue.

Le juge européen considère que l’omission de déclaration dans la procédure de faillite ne saurait justifier l’extinction du droit à réduction de la taxe. Cette solution s’applique quand l’assujetti « démontre que, s’il avait déclaré ladite créance, elle n’aurait pas été recouvrée », préservant ainsi la réalité économique.

La protection de la neutralité fiscale impose donc la reconnaissance du droit à réduction malgré les négligences procédurales sans incidence sur le recouvrement.

B. L’encadrement strict des mesures de lutte contre l’évasion fiscale

L’article 273 de la directive autorise les États membres à prévoir des obligations pour assurer la perception exacte de la taxe et éviter la fraude. Ces mesures nationales ne doivent cependant pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre de tels objectifs de manière proportionnée.

La réglementation imposant une déclaration systématique sous peine de déchéance du droit à réduction excède les nécessités de la lutte contre l’évasion fiscale. La Cour juge cette mesure disproportionnée lorsqu’elle fait obstacle à la rectification de la base d’imposition malgré l’absence manifeste de tout risque.

Le droit à réduction étant préservé sur le fond, il appartient désormais aux autorités judiciaires d’en assurer l’application concrète dans l’ordre interne.

II. Les devoirs du juge national pour garantir l’effet utile du droit communautaire

A. L’obligation d’interprétation conforme des dispositions nationales

Le juge national doit prendre toutes les mesures propres à assurer l’exécution des obligations résultant du droit de l’Union dans son ordre interne. Il lui appartient d’interpréter le droit national « de manière conforme » aux exigences de la directive précitée pour respecter les objectifs communautaires.

Cette exigence d’interprétation conforme permet d’ajuster l’application des règles procédurales internes afin de ne pas compromettre l’exercice des droits conférés. Le magistrat doit privilégier une lecture de la loi nationale qui autorise la réduction de la taxe pour les créances irrémédiablement perdues.

L’interprétation conforme constitue le premier levier d’action du juge, lequel doit être complété par le pouvoir d’éviction en cas d’impasse herméneutique.

B. Le pouvoir-devoir d’éviction de la norme nationale contraire

Si une interprétation conforme de la législation interne s’avérait impossible, le juge national se voit investi d’une mission de gardien de la légalité. Il doit alors « laisser inappliquée toute réglementation nationale dont l’application aboutirait à un résultat contraire » aux dispositions impératives de la directive européenne.

Cette obligation de laisser inappliquée la règle contraire assure la primauté effective du droit de l’Union sur les formalités administratives ou judiciaires nationales. La protection du droit à réduction de la taxe devient ainsi une obligation directe s’imposant à toutes les autorités juridictionnelles saisies du litige.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture