L’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 11 juin 2020 précise les conditions de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée. Une société établie en Belgique exerçant une activité de location de palettes a sollicité la restitution de taxes acquittées auprès de divers fournisseurs roumains. L’administration fiscale a rejeté cette demande au motif que l’assujetti aurait dû préalablement s’identifier à la taxe en raison de transferts de biens. Saisi du litige, le Tribunal de grande instance de Bucarest a interrogé la juridiction européenne sur l’articulation entre l’obligation d’identification et le droit au remboursement. La Cour a jugé que la réglementation européenne s’oppose au refus d’un remboursement fondé sur le seul défaut d’identification fiscale de l’assujetti étranger. L’analyse portera sur la qualification rigoureuse du transfert intracommunautaire avant d’envisager la protection nécessaire du droit fondamental au remboursement de la taxe.
I. La qualification rigoureuse du transfert intracommunautaire de biens
A. Les critères cumulatifs de l’utilisation temporaire des actifs
L’article 17 de la directive prévoit que le transfert de biens vers un autre État membre est assimilé à une livraison de biens onéreuse. La Cour rappelle toutefois que cette disposition établit une liste exhaustive de cas dérogatoires dont l’interprétation doit demeurer particulièrement stricte et précise. Selon les juges européens, « n’est pas considéré comme un transfert à destination d’un autre État membre l’expédition ou le transport d’un bien pour les besoins de l’utilisation temporaire ». Cette exception suppose impérativement que le bien soit expédié à partir de l’État membre dans lequel l’assujetti concerné a fixé son siège social. La juridiction de renvoi doit vérifier si la location des palettes présente un caractère temporaire au regard des stipulations contractuelles et des circonstances économiques. Le non-respect de l’une de ces conditions cumulatives entraîne l’assimilation du mouvement de stock à une opération imposable imposant normalement une identification.
B. Le respect des objectifs du régime transitoire de la TVA
Le régime transitoire vise à transférer la recette fiscale vers l’État membre dans lequel intervient la consommation finale des biens livrés par l’assujetti. Une interprétation extensive de la notion d’utilisation temporaire risquerait de fragiliser cet équilibre en permettant des circulations de biens sans aucune taxation locale. La Cour exclut ainsi du bénéfice de cette dérogation les hypothèses d’utilisation à durée indéterminée ou celles conduisant à la destruction effective du bien. L’obligation pour l’assujetti de rapporter la preuve du transport depuis son État d’établissement garantit la traçabilité des flux de marchandises entre les territoires. Ces précisions interprétatives encadrent le pouvoir des administrations nationales qui ne peuvent pas arbitrairement requalifier des opérations de service en transferts de biens. Cette définition précise du transfert permet d’aborder la question des sanctions administratives encourues par l’assujetti en cas de méconnaissance des règles d’identification.
II. L’affirmation du caractère fondamental du droit au remboursement
A. L’illégalité des conditions formelles d’identification fiscale
L’administration ne saurait subordonner le droit au remboursement à une condition formelle d’identification fiscale non prévue explicitement par les dispositions de la directive européenne. La Cour affirme que l’identification constitue une simple exigence administrative à des fins de contrôle qui ne saurait primer sur les conditions matérielles du droit. Le texte européen précise que « des exigences formelles ne peuvent pas remettre en cause le droit à déduction lorsque les conditions matérielles sont remplies ». Un État membre commet une erreur de droit en refusant la restitution d’une taxe au seul motif que l’assujetti n’a pas sollicité d’immatriculation. Cette solution protège les opérateurs économiques contre des pratiques nationales restrictives qui ajouteraient des obstacles bureaucratiques au principe de libre prestation de services. L’absence d’identification peut justifier des amendes administratives mais elle demeure inopérante pour priver un assujetti de sa créance fiscale sur le Trésor.
B. La préservation de la neutralité fiscale au sein de l’Union
Le droit au remboursement représente un principe fondamental du système commun de taxe visant à décharger totalement l’entrepreneur du poids de la fiscalité. La Cour souligne que ce mécanisme garantit la parfaite neutralité de la charge fiscale pour toutes les activités économiques quels que soient leurs résultats. Le mode de restitution de la taxe dépend exclusivement du lieu d’établissement de l’assujetti et non de son statut au regard du registre local. Une société qui ne réalise aucune opération active imposée dans l’État membre de remboursement doit bénéficier des modalités simplifiées prévues par la directive. Refuser le remboursement au profit d’une déduction impossible en l’absence de taxe collectée porterait une atteinte disproportionnée à la trésorerie des entreprises européennes. Cette décision sécurise les relations commerciales transfrontalières en empêchant les États membres d’utiliser l’identification fiscale comme un instrument de rejet des demandes de restitution.