La Cour de justice de l’Union européenne, siégeant à Luxembourg, rend le 11 mai 2017 une décision fondamentale relative au droit des marques. Cet arrêt précise les conditions d’application de l’exclusion absolue concernant les signes dont la forme est nécessaire à l’obtention d’un résultat technique. Un opérateur économique sollicite l’enregistrement de deux signes figuratifs représentant des pois noirs pour des articles de coutellerie et des ustensiles de cuisine. L’office compétent rejette initialement les demandes avant de lever ses objections suite à un recours administratif interne, permettant ainsi l’enregistrement des marques contestées. Plusieurs entreprises introduisent ultérieurement des demandes en nullité en invoquant la nature exclusivement technique de la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat.
La chambre de recours déclare les marques nulles en considérant que les creux représentés sur les manches assurent une fonction antidérapante indispensable au produit. Le Tribunal de l’Union européenne rejette le recours formé contre ces décisions après un renvoi opéré par la juridiction supérieure dans une procédure antérieure. La question posée porte sur l’applicabilité du motif absolu de refus aux signes dont les caractéristiques essentielles répondent à une nécessité technique utilitaire. Le juge communautaire écarte le pourvoi en confirmant que l’existence d’éléments arbitraires mineurs ne fait pas obstacle à la nullité de la marque fonctionnelle.
**I. L’application rigoureuse du motif d’exclusion lié à la fonction technique**
Le juge souligne que l’examen d’un signe doit porter sur l’identification des éléments les plus importants constituant sa réalité visuelle et technique propre.
**A. L’identification des caractéristiques essentielles du signe**
L’autorité compétente doit déterminer si les éléments essentiels d’un signe sont dictés par la solution technique à laquelle ce signe donne une expression concrète. Le juge rappelle « que l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement s’applique dès lors que les caractéristiques essentielles du signe répondent à une fonction technique ». Cette approche impose une analyse globale de la forme pour déceler si elle incorpore principalement une utilité pratique plutôt qu’une origine commerciale.
**B. La prévalence du résultat technique sur l’aspect ornemental**
L’existence d’aspects ornementaux ou fantaisistes ne fait pas obstacle au refus d’enregistrement si ces derniers ne jouent pas un rôle majeur dans la forme. L’arrêt précise que « la présence d’éléments arbitraires mineurs dans un signe dont les éléments essentiels sont dictés par la solution technique est sans incidence ». Cette solution garantit que des motifs esthétiques secondaires ne servent pas de prétexte à l’appropriation indue d’une invention technique relevant du droit des brevets.
**II. Le maintien d’une protection stricte contre les monopoles techniques**
Cette interprétation stricte de la fonctionnalité technique assure une distinction nette entre le droit des marques et la protection des innovations industrielles et commerciales.
**A. L’indépendance du motif fonctionnel à l’égard du caractère distinctif**
Un signe constitué par une forme nécessaire à l’obtention d’un résultat technique ne peut être enregistré même s’il a acquis un caractère distinctif. Le texte dispose en effet que l’exception liée à l’usage « n’est pas applicable » aux motifs de refus fondés sur la nature fonctionnelle de la forme. « Même si une forme de produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique a acquis un caractère distinctif, il est interdit de l’enregistrer en tant que marque ».
**B. L’interdiction de perpétuer des droits exclusifs sur des solutions techniques**
L’objectif fondamental de cette règle est d’éviter que le droit des marques ne soit détourné pour entraver la libre concurrence sur le marché économique. L’enregistrement d’une telle forme « réduirait de manière trop importante les possibilités pour les concurrents de mettre sur le marché des formes de produit incorporant la même solution ». La Cour assure ainsi que les avancées techniques tombent dans le domaine public après l’expiration des protections spécifiques prévues par la propriété industrielle.