La Cour de justice de l’Union européenne, le 25 mai 2023, précise l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée pour les services sociaux transfrontaliers. Une société établie en Bulgarie assurait des soins à domicile au profit de personnes âgées résidant en Allemagne ainsi qu’en Autriche. L’administration fiscale nationale a refusé l’exonération au motif que le prestataire n’avait pas prouvé le caractère social de ses activités selon les législations étrangères. Le tribunal administratif de Ruse a confirmé l’imposition avant que la Cour administrative suprême de Bulgarie ne saisisse le juge de l’Union européenne. Le litige porte sur l’interprétation de la directive relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée concernant les opérations d’intérêt général. La juridiction de renvoi demande si l’exonération dépend du lieu d’exécution des soins ou de l’État membre où le prestataire a son siège. La Cour décide que le bénéfice de l’exonération relève exclusivement de la compétence fiscale de l’État d’imposition selon les critères de sa propre législation.
I. L’universalité territoriale de l’exonération des prestations sociales
A. La primauté du siège de l’activité économique du prestataire
Le lieu des prestations fournies à des personnes non assujetties correspond à l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique. Cette règle de localisation fiscale détermine l’État membre compétent pour appliquer la taxe ainsi que les exonérations prévues par le droit de l’Union européenne. L’article 132 de la directive ne subordonne l’octroi de l’avantage à aucune condition concernant le lieu où les services sont matériellement exécutés. La Cour souligne que les « prestations de services sociaux fournies à des personnes physiques demeurant dans un État membre autre » sont susceptibles d’être exonérées. L’objectif de réduction du coût des services d’intérêt général justifie cette interprétation libérale du texte afin de faciliter l’accès aux soins. La compétence fiscale de l’État d’origine garantit une application uniforme du régime de taxation pour toutes les opérations réalisées par un même organisme.
B. L’indifférence des législations des États membres de destination
L’exonération des activités d’intérêt général constitue une notion autonome du droit de l’Union dont le contenu ne saurait varier selon les frontières nationales. L’État membre d’imposition ne peut exiger la preuve du caractère social des prestations au regard du droit de l’État de résidence des bénéficiaires. La Cour affirme que les caractéristiques de la société doivent être examinées conformément au droit de l’État où elle a établi son siège social. Cette solution évite de soumettre un prestataire unique à des régimes fiscaux divergents en fonction de la localisation géographique de sa clientèle privée. Le recours à une société intermédiaire établie dans l’État membre de destination pour contacter les clients reste dépourvu de pertinence pour cette qualification. La nature de l’activité s’apprécie uniquement au regard de la législation nationale transposant les objectifs de la directive dans l’État de perception.
II. Les exigences de reconnaissance du caractère social de l’organisme
A. La compétence d’appréciation de l’État membre d’imposition
La reconnaissance d’un organisme privé comme ayant une vocation sociale relève du pouvoir discrétionnaire de l’État membre qui renonce à percevoir la taxe. Ce dernier doit définir les critères permettant d’identifier les entités dont les services sont « étroitement liés à l’aide et à la sécurité sociales ». La Cour précise que cette appréciation doit être effectuée au regard de la législation nationale de l’État d’imposition, en l’occurrence la République de Bulgarie. Les autorités nationales jouissent d’une marge de manœuvre pour fixer les conditions de cette reconnaissance tout en respectant le principe de neutralité fiscale. Ce principe s’oppose à ce que des opérateurs effectuant des opérations similaires soient traités différemment en matière de perception de la taxe. L’État membre concerné doit ainsi mettre sur un pied d’égalité l’ensemble des organismes privés fournissant des prestations sociales de nature équivalente.
B. La nécessité d’une vérification substantielle des conditions d’exercice
Une simple inscription administrative auprès d’un organisme public ne suffit pas à conférer automatiquement le bénéfice de l’exonération fiscale à une société commerciale. L’inscription au registre des prestataires de services sociaux constitue seulement un indice parmi d’autres éléments que les autorités nationales doivent prendre en compte. Cette formalité ne vaut reconnaissance que si elle suppose une « vérification préalable par les autorités nationales compétentes du caractère social » de l’entité candidate. Les juges doivent examiner si l’organisme poursuit effectivement un but d’intérêt général ou si ses conditions d’exploitation sont compatibles avec cette mission. La Cour exige une analyse globale incluant les dispositions législatives, le coût des prestations et l’éventuelle prise en charge par la sécurité sociale. La reconnaissance du caractère social demeure subordonnée à un contrôle effectif de la finalité humaine et sociale des activités exercées par le prestataire.