La Cour de justice de l’Union européenne apporte une précision majeure sur le régime des droits additionnels à l’importation de produits avicoles. Un litige est né de la contestation par l’administration des douanes du prix caf déclaré pour des marchandises vendues ultérieurement à perte. La juridiction nationale de renvoi a sollicité une interprétation des dispositions du règlement fixant les modalités d’application de ces prélèvements spécifiques.
Les faits concernent un importateur ayant introduit des produits sur le territoire de l’Union en mentionnant une valeur transactionnelle dans ses déclarations. Les autorités compétentes ont estimé que la revente à un prix inférieur au coût d’importation invalidait la réalité du montant initialement indiqué. La procédure a conduit à l’interrogation du juge européen sur la force probante de ce déséquilibre économique lors du contrôle douanier.
Le problème de droit porte sur l’incidence d’une vente à perte sur la validité du prix à l’importation déclaré par un opérateur économique. Il s’agit de déterminer si cet élément suffit à justifier l’application de méthodes d’évaluation de substitution pour le calcul des droits.
La Cour énonce que la vente à perte ne permet pas à elle seule d’écarter le prix caf si l’expédition est matériellement confirmée. Elle impose néanmoins le recours aux méthodes d’évaluation du code des douanes en cas d’impossibilité pour l’importateur de prouver la véracité de ses déclarations. L’analyse portera d’abord sur la protection de la valeur déclarée avant d’envisager les modalités de son éviction en cas d’insuffisance probatoire.
I. La protection conditionnelle de la valeur transactionnelle déclarée
A. L’insuffisance de la vente à perte comme preuve de prix fictif
La Cour affirme que la vente à perte ne constitue pas une preuve automatique du caractère mensonger des prix mentionnés dans la déclaration. Elle énonce que « la circonstance selon laquelle des marchandises ont été vendues à perte ne suffit pas, à elle seule, pour constater que la réalité du prix n’est pas avérée ». Cette solution évite que toute stratégie commerciale défavorable ne soit assimilée par principe à une manœuvre frauduleuse de sous-facturation. Le juge européen privilégie ainsi une approche concrète de l’opération de commerce international au détriment d’une suspicion fondée sur la seule rentabilité. Cette interprétation garantit une certaine sécurité juridique aux importateurs confrontés à des fluctuations imprévues des prix sur le marché de consommation.
B. La primauté de la réalité matérielle de l’expédition
L’opérateur peut conserver le bénéfice du prix déclaré en démontrant que les conditions de l’expédition des marchandises confirment la réalité des montants indiqués. Le texte exige que « l’ensemble des conditions afférentes au déroulement de l’expédition » corroborent les informations transmises aux autorités douanières lors de l’importation. La preuve du prix de transaction repose sur la matérialité des flux logistiques et financiers plutôt que sur le résultat net des reventes. Cette faculté permet de rétablir la présomption de véracité des déclarations douanières lorsque l’importateur produit des justificatifs cohérents sur le transport. La décision souligne l’importance d’une analyse globale des circonstances entourant l’entrée des marchandises sur le territoire douanier commun.
II. L’encadrement de l’évaluation administrative de substitution
A. L’obligation d’écarter le prix dépourvu de justificatifs probants
Les autorités douanières doivent rejeter la valeur déclarée lorsque l’importateur échoue à prouver la réalité du prix caf par des éléments extérieurs. Dans l’hypothèse d’une carence probatoire, le règlement impose que les services compétents « doivent écarter ce prix » pour liquider les droits. Cette mesure intervient dès lors que les explications fournies par l’opérateur ne suffisent pas à lever les doutes sur l’exactitude des factures. L’éviction du prix déclaré constitue la conséquence juridique directe de l’incapacité à justifier la cohérence entre le prix d’achat et la vente. Cette étape conditionne la mise en œuvre de la protection douanière renforcée prévue pour les secteurs sensibles de la viande de volaille.
B. Le recours impératif aux méthodes du code des douanes communautaire
Le juge européen encadre strictement la méthode de remplacement en ordonnant le recours aux principes généraux fixés par le code des douanes. L’administration doit alors appliquer les règles de substitution prévues aux « articles 29 à 31 du règlement n o 2913/92 » établissant le code communautaire. Ce renvoi aux méthodes hiérarchisées d’évaluation assure une taxation objective fondée sur des critères de comparaison avec des marchandises similaires ou identiques. Le système garantit que le calcul des droits additionnels ne présente pas un caractère arbitraire malgré l’irrégularité initiale commise par l’importateur. La cohérence du droit douanier de l’Union se trouve ainsi préservée par l’unification des modes de détermination de l’assiette fiscale.