La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 11 mars 2020, une décision relative à l’interprétation de la nomenclature combinée douanière. Une entreprise a procédé à l’importation de vingt-sept corps de bateaux en les déclarant comme navires conçus pour la navigation maritime. L’administration douanière a contesté cette qualification au motif que ces marchandises servaient de coques pour la navigation sur les voies intérieures. Le Gerechtshof d’Amsterdam a été saisi de ce litige après l’annulation d’un premier arrêt par le Hoge Raad des Pays-Bas. Cette juridiction a demandé si des navires capables de naviguer par gros temps à vingt et un milles des côtes tenaient la mer. La Cour répond que de tels navires ne relèvent pas de la catégorie des bateaux conçus pour tenir la haute mer.
I. L’identification de critères de construction objectifs
A. La primauté de la destination constructive du navire
Le classement tarifaire des marchandises repose sur une analyse rigoureuse des caractéristiques intrinsèques des biens présentés au service des douanes nationales. La Cour rappelle que « c’est la conception et non pas l’utilisation du bateau en question qui est déterminante » pour son affectation. Un navire doit posséder des propriétés inhérentes à sa fabrication lui permettant de naviguer dans des conditions climatiques et géographiques spécifiques. La seule intention de l’importateur ou l’usage ponctuel du navire ne sauraient suffire à modifier la classification technique du produit importé.
L’analyse de la structure globale du bâtiment prime sur les fonctions qu’il pourrait éventuellement exercer de manière accessoire durant son exploitation future. Les juges soulignent qu’un bâtiment capable de naviguer en mer ne répond pas nécessairement aux exigences de la navigation en haute mer. Cette approche garantit une application uniforme du tarif douanier commun au sein des différents États membres de l’Union européenne. Elle évite que des critères subjectifs liés à l’exploitation commerciale n’altèrent la perception technique des marchandises lors de leur dédouanement.
B. La vérifiabilité des propriétés lors du dédouanement
La sécurité juridique exige que les agents douaniers puissent identifier la nature des produits dès l’examen des caractéristiques physiques du matériel présenté. Selon la jurisprudence constante, « le critère décisif pour la classification tarifaire des marchandises doit être recherché… dans leurs caractéristiques et propriétés objectives ». Ces éléments matériels doivent pouvoir faire l’objet d’un contrôle précis et immédiat par les autorités compétentes lors de la déclaration. La morphologie de la coque et les équipements de navigation constituent des indices probants de la destination technique initiale du bâtiment.
L’absence d’équipements de sécurité ou de structures étanches aux intempéries permet d’exclure la qualification de navire destiné à la navigation de haute mer. Les propriétés structurelles du navire déterminent sa capacité à résister à des vents de force sept selon l’échelle de Beaufort. Ces données techniques objectives assurent une prévisibilité indispensable pour les opérateurs économiques engagés dans le commerce international de produits navals. Le juge européen privilégie ainsi une lecture matérielle des catégories tarifaires au détriment de considérations purement abstraites sur les capacités théoriques.
II. Une délimitation spatiale rigoureuse de la navigation
A. Le rejet de la seule navigation côtière résiduelle
La notion de haute mer implique une aptitude technique à s’éloigner significativement des rivages pour affronter des conditions océaniques parfois très difficiles. La Cour observe que les différentes versions linguistiques des textes européens imposent aux navires d’être « en mesure de naviguer, en général, n’importe où ». Une capacité limitée à naviguer dans une zone déterminée au large des côtes ne satisfait pas aux critères de la position tarifaire revendiquée. Le droit de l’Union distingue clairement les espaces maritimes ouverts des zones de navigation côtière protégées par la proximité du littoral.
Un navire ne pouvant s’aventurer qu’à vingt et un milles marins de la terre ferme demeure intrinsèquement lié à la navigation de proximité. La construction de tels bâtiments ne prévoit pas les contraintes structurelles nécessaires pour assurer une autonomie totale au milieu des espaces océaniques. L’interprétation retenue par les juges écarte donc les navires dont la robustesse est insuffisante pour garantir une sécurité optimale en pleine mer. Cette exigence de polyvalence spatiale définit le standard minimum requis pour bénéficier de la qualification de bateau conçu pour tenir la haute mer.
B. La sauvegarde de la cohérence de la nomenclature
La nomenclature combinée repose sur une séparation stricte entre les bâtiments de mer et les navires destinés à la navigation sur eaux intérieures. La Cour précise que « la distinction entre les bateaux pour la navigation maritime et les bateaux pour la navigation intérieure perdrait son intérêt ». Si chaque bâtiment capable de naviguer près des côtes était classé en catégorie maritime, les sous-positions relatives aux autres bateaux deviendraient inutiles. Il convient de préserver l’effet utile des différentes catégories tarifaires en maintenant des frontières imperméables entre les divers types de navigation.
L’éloignement des côtes renforce les effets du mauvais temps en raison de la hauteur croissante des vagues rencontrées par le navire. Les navires côtiers ne sont pas conçus pour supporter les contraintes mécaniques extrêmes propres aux traversées océaniques réalisées à pleine charge commerciale. En limitant la catégorie maritime aux véritables navires de haute mer, la Cour protège l’intégrité du système de désignation des marchandises. Cette décision confirme que la précision technique de la nomenclature s’oppose à toute extension abusive des régimes tarifaires les plus favorables.