La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 9 juillet 2015, précise les modalités de calcul du congé annuel payé lors d’une augmentation d’activité. Le litige trouve sa source dans une demande de recalcul des congés suite à une augmentation contractuelle du nombre d’heures de travail hebdomadaires. Un salarié réclamait que son reliquat de repos, acquis sous un régime de temps partiel, soit réévalué proportionnellement à son nouveau rythme de travail. Devant le refus de l’employeur, l’Employment Tribunal Birmingham a décidé de surseoir à statuer pour interroger la juridiction européenne sur l’interprétation du droit de l’Union. La question posée visait à savoir si le principe du « pro rata temporis » impose un ajustement rétroactif du volume de congés déjà accumulés. La Cour de justice affirme que le droit de l’Union ne commande pas un tel recalcul pour les périodes de travail déjà effectuées. Cette solution repose sur une segmentation stricte des droits au repos selon les périodes de référence et une uniformité des principes d’indemnisation financière.
I. La segmentation du calcul des droits selon le rythme d’activité
A. L’exclusion d’un ajustement rétroactif des congés accumulés
Le droit au congé annuel payé constitue un principe fondamental du droit social de l’Union auquel il ne peut être dérogé que de manière restrictive. La Cour rappelle que « les droits au congé annuel payé se constituent et doivent être calculés par rapport au rythme de travail prévu par le contrat ». Le principe du « pro rata temporis » s’applique ainsi naturellement lors de l’acquisition des droits pendant une période d’emploi à temps partiel. En revanche, ce principe ne saurait être appliqué « ex post » à un droit déjà acquis pour une période de travail antérieurement terminée. Les juges soulignent que l’augmentation ultérieure du temps de travail n’exerce aucune influence sur le volume de repos légalement constitué durant les mois précédents. Cette interprétation garantit une prévisibilité nécessaire dans la gestion des obligations sociales de l’employeur tout en respectant la finalité protectrice du repos.
B. L’obligation de calcul distinct pour chaque période de référence
La juridiction européenne impose de distinguer les périodes au cours desquelles le salarié travaillait selon des rythmes différents pour la constitution des droits. Pour chaque phase d’activité, le nombre d’unités de repos doit être calculé séparément par rapport au volume d’heures ou de jours de travail. La Cour précise que « le calcul des droits au congé annuel payé minimal doit être effectué par rapport aux heures de travail effectuées et prévues ». Cette approche segmentée interdit toute fusion globale des droits qui conduirait à une revalorisation artificielle des heures acquises sous un régime inférieur. Néanmoins, l’exercice effectif du congé peut intervenir lors d’une période ultérieure sans que le changement de rythme n’altère l’intérêt du repos pour la santé. Les unités de congé déjà prises en excès durant la première période doivent être déduites des droits nouvellement constitués lors de la phase d’augmentation.
II. La stabilité des critères de détermination de l’indemnisation
A. L’unité des principes de calcul quelle que soit l’issue du contrat
La Cour de justice affirme que les modalités de calcul des droits au repos annuel restent identiques pendant la relation contractuelle ou après sa rupture. La circonstance que la détermination des droits intervienne pour un solde de congés ou pour une indemnité compensatrice est dépourvue de toute incidence juridique. L’indemnité financière due en fin de contrat doit placer le travailleur dans une situation comparable à celle qu’il aurait connue en prenant son repos. À cet égard, « la rémunération ordinaire du travailleur est également déterminante en ce qui concerne le calcul de l’indemnité financière de congé annuel non pris ». Le juge national doit simplement vérifier si la structure de la rémunération comporte plusieurs éléments variables nécessitant une analyse spécifique sur une période représentative. Cette continuité des principes assure une égalité de traitement entre les salariés selon qu’ils exercent leur droit au repos en nature ou par équivalent.
B. La faculté des États d’instaurer des dispositions nationales plus protectrices
Si le droit de l’Union ne commande pas le recalcul rétroactif, il n’interdit pas aux législations nationales d’adopter des mesures plus favorables aux travailleurs. Les directives européennes ne mettent en place qu’une protection minimale qui ne porte pas atteinte à la liberté des États membres ou des partenaires sociaux. Ces derniers peuvent donc choisir de prévoir un nouveau calcul des droits déjà acquis afin d’améliorer la situation sociale des salariés augmentant leur activité. La Cour souligne que les autorités nationales conservent la faculté d’introduire des dispositions dérogeant au principe de segmentation au seul bénéfice exclusif de la partie faible. Cette marge de manœuvre législative permet d’ajuster le niveau de protection sociale en fonction des objectifs politiques ou économiques propres à chaque ordre juridique national. La solution retenue par la Cour préserve ainsi l’équilibre entre les exigences minimales européennes et la souveraineté normative des États membres.