La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 11 novembre 2015, une décision essentielle relative à la directive sur les licenciements collectifs. Un travailleur a contesté son éviction devant le tribunal du travail numéro trente-trois de Barcelone pour non-respect des règles de la procédure collective. L’entreprise avait réalisé dix ruptures individuelles tandis que d’autres cessations de contrats s’étaient produites durant les quatre-vingt-dix jours précédant l’éviction du salarié. Le juge espagnol a sollicité une interprétation des critères numériques fixant le seuil d’application de la protection européenne en matière de restructuration d’entreprise. La Cour devait préciser si les travailleurs temporaires comptent dans les effectifs habituels et si une modification de contrat vaut licenciement. Les juges luxembourgeois affirment l’inclusion des contrats à terme et qualifient de licenciement la rupture résultant d’une modification unilatérale des conditions de travail. Cette interprétation conduit à une détermination rigoureuse du champ d’application de la directive avant de consacrer l’élargissement protecteur de la notion de licenciement.
I. La détermination rigoureuse du champ d’application de la directive 98/59
A. L’inclusion des travailleurs temporaires dans le calcul des effectifs
La Cour précise que la notion de travailleur doit recevoir une interprétation autonome et uniforme au sein de l’ordre juridique de l’Union européenne. Les personnes engagées sous contrat à durée déterminée accomplissent des prestations sous une direction moyennant rémunération conformément aux critères objectifs de la relation d’emploi. L’article premier de la directive n’établit aucune distinction en fonction de la durée de l’engagement pour définir les établissements employant habituellement un nombre déterminé. Exclure ces salariés du calcul des seuils permettrait aux États membres d’altérer le champ d’application de la protection et de priver la norme d’effet. Les juges affirment que ces travailleurs « doivent être considérés comme faisant partie des travailleurs habituellement employés » au sens de la législation européenne.
B. L’interprétation stricte de la condition numérique minimale des licenciements
Le second alinéa de l’article premier précise le mode de calcul des licenciements en prévoyant l’assimilation d’autres formes de ruptures contractuelles à l’initiative patronale. Cette règle d’assimilation est subordonnée à la condition expresse « que les licenciements soient au moins au nombre de cinq » au sein de l’établissement. La Cour adopte une lecture littérale et refuse d’intégrer les cessations de contrat assimilées dans le décompte initial déclenchant la procédure de protection. Cette exigence numérique vise exclusivement les licenciements au sens strict afin de ne pas imposer aux employeurs une charge démesurée par rapport aux effectifs. Le législateur de l’Union a entendu viser les véritables licenciements économiques pour fixer le point de départ des obligations d’information et de consultation.
II. L’élargissement protecteur de la notion de licenciement
A. La qualification de licenciement pour la modification substantielle du contrat
La directive ne définit pas explicitement le licenciement mais la jurisprudence l’interprète comme toute cessation du contrat de travail non voulue par le salarié. La modification unilatérale d’un élément substantiel du contrat pour des motifs économiques constitue l’origine de la rupture malgré la demande formelle de l’intéressé. Un tel changement imposé au détriment du travailleur relève de la notion de licenciement car il intervient sans le consentement réel de la personne. La Cour juge que le fait de procéder à une modification importante des conditions de travail « relève de la notion de licenciement » visée par la directive. Cette qualification protège les agents contre les stratégies de contournement consistant à forcer des départs pour éviter les contraintes liées aux restructurations collectives.
B. La préservation de l’effet utile de la protection sociale européenne
L’harmonisation des règles relatives aux licenciements collectifs assure une protection comparable des droits des salariés tout en rapprochant les charges pesant sur les entreprises. Une interprétation restrictive de la notion de licenciement priverait l’ensemble des travailleurs des garanties nécessaires à la préservation de leur stabilité sociale et économique. La Cour veille à ce que les réglementations nationales ne puissent pas altérer le plein effet du droit de l’Union par des définitions trop étroites. Cette décision confirme la volonté des juges luxembourgeois de maintenir un niveau élevé de protection sociale face aux évolutions économiques imprévues des sociétés. Le respect des seuils et la qualification des ruptures garantissent la loyauté des procédures de consultation indispensables au maintien de la paix sociale européenne.