La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision rendue le 11 septembre 2014, précise le régime des sanctions applicables aux marchés illégaux. Une autorité publique a conclu une convention relative aux services de télécommunications sans procéder à une publication préalable d’un avis de marché. L’administration considérait qu’un unique partenaire technologique était en mesure d’exécuter la prestation pour des raisons techniques et de protection de droits exclusifs. Elle a néanmoins publié un avis de transparence volontaire au Journal officiel et a observé un délai de dix jours avant la signature définitive.
Un opérateur économique évincé a contesté cette procédure devant le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio en demandant l’annulation de l’attribution et l’absence d’effets. Ce premier juge a annulé l’acte d’attribution mais a refusé de priver la convention d’effets en raison du respect formel des formalités de publicité. Par une ordonnance du 8 janvier 2013, le Consiglio di Stato a relevé que le recours à la procédure négociée était injustifié car l’impossibilité objective de mise en concurrence était absente.
Le litige porte sur l’éventuelle obligation pour le juge national de maintenir un contrat illégal lorsque les conditions de transparence ex ante sont remplies. La Cour décide que l’article 2 quinquies, paragraphe 4, de la directive 89/665 « exclut que ce marché soit déclaré dépourvu d’effets » sous certaines conditions. Cette immunité contractuelle suppose toutefois que le pouvoir adjudicateur ait agi de manière diligente lors de l’examen des motifs justifiant l’attribution directe. L’étude portera d’abord sur la protection de la sécurité juridique contractuelle avant d’analyser le contrôle juridictionnel de la diligence du pouvoir adjudicateur.
I. Le primat de la sécurité juridique dans le régime des recours contractuels
Il convient d’envisager l’automaticité de cette protection contractuelle avant de mesurer la limitation corrélative des pouvoirs de l’office du juge national.
A. L’automaticité de l’exception à l’absence d’effets
La Cour confirme que le respect formel de la procédure de transparence volontaire fait obstacle à la déclaration d’inefficacité du contrat par le juge. Le législateur européen a entendu protéger le cocontractant et l’administration contre l’instabilité juridique découlant d’une annulation rétroactive des engagements contractuels déjà conclus. L’arrêt souligne que la directive « vise à concilier les différents intérêts en cause » pour éviter une incertitude préjudiciable à la continuité des services publics. Cette exception repose sur trois conditions cumulatives dont la publication d’un avis au Journal officiel et le respect d’un délai de suspension minimal.
B. La limitation du pouvoir d’appréciation du juge national
Les États membres ne peuvent pas prévoir des sanctions nationales plus sévères qui remettraient en cause l’équilibre défini par le droit de l’Union européenne. La Cour affirme que les mesures de recours ne sont déterminées que selon les règles prévues par la directive pour les situations de transparence volontaire. Le juge national se trouve donc privé de sa faculté habituelle d’apprécier souverainement l’opportunité de maintenir ou d’anéantir les effets d’une convention illégale. Cette restriction de compétence garantit une application uniforme du droit des marchés publics et prévient les divergences excessives entre les différents ordres juridiques nationaux.
II. L’encadrement rigoureux du contrôle juridictionnel de la diligence administrative
L’analyse se portera sur le contrôle de la diligence administrative puis sur la validité du dispositif au regard des droits fondamentaux européens.
A. L’exigence d’une justification claire et d’une attitude diligente
L’immunité contractuelle n’est pas absolue car elle dépend de la qualité de la justification fournie par l’autorité publique dans l’avis de transparence. La justification doit permettre aux concurrents de « décider en pleine connaissance de cause s’ils estiment utile de saisir l’instance responsable » de la procédure. Le juge doit vérifier si l’administration a agi de manière diligente en estimant que le recours à la procédure négociée sans publicité était légalement autorisé. Une simple erreur manifeste d’appréciation de la part de l’acheteur pourrait ainsi conduire le juge à écarter l’exception et à prononcer l’inefficacité.
B. La conformité du dispositif aux exigences du droit au recours effectif
La Cour valide la conformité de ce mécanisme à l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux garantissant le droit à un recours effectif. Le délai de dix jours entre la publication et la signature offre aux opérateurs une possibilité réelle de contester l’attribution avant la formation du lien contractuel. L’existence d’une action complémentaire en dommages et intérêts permet également de compenser le préjudice subi par l’entreprise illégalement évincée de la mise en concurrence. Ce système équilibré assure ainsi la protection des deniers publics tout en respectant les principes de non-discrimination et d’ouverture à la concurrence européenne.