La Cour de justice de l’Union européenne, le 11 septembre 2025, définit le régime des conflits entre appellations protégées et marques antérieures. Une société viticole exploitait depuis l’année 1989 des marques nationales et européennes comportant un terme géographique spécifique. Parallèlement, un décret national de 2006 a reconnu une dénomination d’origine contrôlée pour des vins produits dans cette commune. Cette protection fut ensuite étendue à l’échelle de l’Union en 2009 par une inscription automatique au registre des appellations d’origine. La société titulaire des marques a sollicité la nullité de cette appellation auprès des juridictions civiles italiennes. Le Tribunal de Milan a rejeté cette prétention en faisant prévaloir la dénomination géographique sur le droit de marque. La Cour d’appel de Milan, dans un arrêt du 5 mai 2023, a confirmé cette solution en appliquant le règlement initial. Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation italienne interroge le juge européen sur l’application des règlements successifs en la matière. Le litige porte sur l’interprétation des dispositions transitoires régissant le conflit entre une appellation transitionnelle et une marque notoire. La juridiction européenne affirme que le règlement de l’année 1999 régit exclusivement cette situation juridique précise.
**I. La consécration d’un régime de protection transitoire automatique**
Le droit de l’Union organise le passage des protections nationales vers un système de reconnaissance centralisé. Ce mécanisme assure la continuité des droits acquis par les producteurs locaux.
*A. L’extension de la protection nationale au niveau de l’Union*
Selon l’article 54 du règlement de 1999, les vins de qualité répondent aux dispositions communautaires et nationales adoptées. « Les États membres communiquent à la Commission la liste des vins qu’ils ont reconnus » afin d’assurer leur publication. Cette procédure transforme une protection interne en un droit opposable sur l’ensemble du territoire de l’Union. La Cour précise que l’inscription au registre électronique « doit être regardée comme l’extension de la dénomination de vins protégée ». Ce mécanisme de transition automatique écarte toute exigence d’un nouvel examen approfondi par les instances de la Commission. La reconnaissance initiale par l’État membre demeure le fondement juridique exclusif de la protection accordée au produit.
*B. L’exclusion des nouveaux motifs de refus pour les dénominations existantes*
La législation actuelle prévoit des clauses de refus d’enregistrement fondées sur la réputation des marques commerciales préexistantes. Ces dispositions visent à empêcher toute confusion chez le consommateur quant à la véritable identité du vin concerné. Toutefois, le juge européen estime que ces règles « s’appliquent à des demandes de protection soumises au nouveau régime mis en place ». Les dénominations bénéficiant déjà d’une protection nationale avant l’année 2009 échappent donc à ces nouvelles restrictions. Le législateur a limité les possibilités de retrait de ces appellations historiques pour des motifs de sécurité juridique. Cette exclusion garantit que les droits anciens ne soient pas remis en cause par des critères de validité ultérieurs.
**II. La prévalence encadrée de l’appellation d’origine sur la marque antérieure**
Le cadre juridique applicable définit un équilibre hiérarchisé entre les indications géographiques et les droits de propriété industrielle. Cette structure favorise la préservation du patrimoine viticole européen.
*A. La primauté de la dénomination géographique protégée*
Le règlement de l’année 1999 établit une protection rigoureuse des noms géographiques contre l’usage de signes identiques. La Cour affirme que ce texte « consacrait la prééminence d’une dénomination de vins protégée sur des marques antérieures notoires ». Cette orientation confirme la volonté de privilégier les appellations d’origine dans le secteur de l’organisation des marchés. La protection accordée au nom de la commune interdit son usage pour des produits ne provenant pas de ce terroir. Ce principe de supériorité s’impose même face à des marques enregistrées avant la reconnaissance officielle du nom géographique. Le droit européen fait ainsi primer la protection collective de l’origine sur l’intérêt privé du titulaire de la marque.
*B. Le maintien exceptionnel de l’usage des marques notoires*
Le système juridique n’organise pas une éviction absolue mais instaure un régime de coexistence strictement délimité. Le titulaire d’une marque notoire peut « continuer l’usage de cette marque lorsqu’elle correspond à l’identité de son titulaire ». Cette faculté reste subordonnée au respect de conditions temporelles concernant l’enregistrement et l’usage effectif du signe. Les marques remplissant ces critères ne peuvent pas s’opposer à l’usage des noms géographiques pour la désignation des vins. Cette solution prévient le risque de tromperie du public tout en respectant l’existence historique de certains droits privatifs. La Cour conclut que le conflit doit être résolu « sur la seule base » de la réglementation initiale de l’année 1999.