La Cour de justice de l’Union européenne, en sa première chambre, a rendu le 11 septembre 2025 une décision fondamentale sur le principe *ne bis in idem*. Cet arrêt précise l’interprétation de l’article 54 de la convention d’application de l’accord de Schengen et de l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux. Une personne, dirigeante d’une organisation terroriste, fut condamnée définitivement en France pour participation à une association de malfaiteurs en vue de préparer des attentats. Elle fit ensuite l’objet de poursuites devant la juridiction espagnole pour des assassinats et des destructions commis lors d’un attentat spécifique à Oviedo. La juridiction de renvoi s’interrogea sur la possibilité de juger ces faits concrets malgré la condamnation globale prononcée antérieurement par les autorités françaises. La question portait sur la définition des mêmes faits lorsque la première sanction visait une activité de direction générale d’un groupement criminel. La Cour affirme que cette notion englobe les actes concrets dès lors que la responsabilité repose sur une conduite matérielle identique.
I. L’objectivation de la notion de mêmes faits
A. L’indifférence de la qualification juridique des actes
La Cour rappelle que le principe interdit de poursuivre une personne plusieurs fois pour une même infraction définie de manière strictement matérielle. Elle souligne que « l’article 54 de la caas que l’article 50 de la Charte visent la seule matérialité des faits ». Cette approche exclut de considérer la qualification juridique ou l’intérêt protégé pour écarter la protection du justiciable européen. Le juge refuse ainsi que des divergences entre les législations nationales fassent obstacle à l’application de cette règle de droit fondamentale. L’application du principe ne saurait varier d’un État membre à l’autre en fonction de critères subjectifs ou de poursuites d’intérêts distincts.
B. L’exigence d’un ensemble de circonstances concrètes indissociables
L’identité des faits matériels suppose l’existence d’événements impliquant le même auteur et liés indissociablement dans le temps comme dans l’espace. Le juge national doit vérifier si les faits reprochés dans la seconde procédure se réfèrent à la même conduite antérieurement jugée. La simple intention criminelle identique ne suffit pas à caractériser cet ensemble de circonstances concrètes sans un lien factuel étroit. La décision impose une analyse rigoureuse des éléments objectifs pour garantir l’efficacité de la liberté de circulation au sein de l’Union. La protection juridique s’attache à la réalité des agissements plutôt qu’aux dénominations pénales choisies par les différents parquets nationaux.
II. L’application du principe ne bis in idem à la criminalité organisée
A. La prise en compte de la conduite globale de l’auteur
L’arrêt précise que la condamnation pour participation à une association terroriste peut couvrir les actes de terrorisme matériellement exécutés par des tiers. La Cour relève que la responsabilité pénale de l’intéressée repose sur la fourniture de moyens et d’instructions depuis le territoire français. Elle énonce que « la notion de “mêmes faits” couvre les faits reprochés à une personne dans le cadre d’une procédure pénale ». La protection s’applique donc même si le dispositif du premier jugement ne mentionne pas explicitement l’attentat poursuivi ultérieurement par les autorités espagnoles. Cette solution évite une multiplication disproportionnée des peines pour une activité de direction déjà sanctionnée dans son ensemble par un tribunal.
B. L’obligation de coopération entre les autorités judiciaires nationales
La juridiction de renvoi doit examiner les motifs des jugements définitifs ainsi que les informations issues de la phase d’instruction à l’étranger. La Cour rappelle l’importance de l’article 57 de la convention d’application de l’accord de Schengen pour clarifier la nature des décisions. Les autorités nationales peuvent demander les renseignements nécessaires afin de déterminer avec précision l’objet des poursuites pénales déjà clôturées par un juge. Un tel échange d’informations permet de vérifier si les actes d’instruction ont effectivement porté sur les événements faisant l’objet du nouveau procès. Cette coopération renforce la confiance mutuelle tout en assurant le plein respect des droits fondamentaux reconnus par les traités européens.