Cour de justice de l’Union européenne, le 12 avril 2018, n°C-323/17

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 12 avril 2018, un arrêt relatif à l’interprétation de la directive concernant la conservation des habitats naturels. La question juridique traitée concerne les modalités de l’examen préliminaire des incidences d’un projet sur une zone de protection spéciale.

Un projet d’installation d’un câble électrique de raccordement pour un parc éolien traverse deux zones spéciales de conservation situées à proximité d’un cours d’eau. Ce site constitue l’habitat d’une espèce de moule perlière d’eau douce protégée, dont la population est actuellement menacée par une sédimentation très élevée.

Une organisation et un citoyen contestent la décision d’une société publique de ne pas réaliser d’évaluation appropriée des incidences environnementales pour ces travaux spécifiques. Les requérants soutiennent que les polluants résultant de l’installation du câble affecteront négativement l’espèce protégée en dépit des précautions prévues.

La juridiction nationale, saisie du litige, a décidé de surseoir à statuer pour interroger la Cour de justice de l’Union européenne par un renvoi préjudiciel. Elle demande si des mesures d’atténuation peuvent être légalement prises en compte lors de la phase de préévaluation d’un projet.

La difficulté réside dans la détermination du moment opportun pour analyser les mesures destinées à réduire les effets néfastes d’un plan sur l’environnement. La Cour répond qu’il n’y a pas lieu de prendre en compte ces mesures de protection lors de la détermination de la nécessité d’une évaluation ultérieure.

L’analyse de cette décision suppose d’étudier la distinction des étapes de l’examen environnemental avant d’envisager le renforcement des garanties offertes par la législation européenne.

I. La distinction impérative des étapes de l’examen environnemental

A. L’exigence d’une probabilité d’atteinte au site

L’article 6, paragraphe 3, de la directive prévoit qu’un projet susceptible d’affecter un site de manière significative doit faire l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences. Les juges soulignent que l’obligation de procéder à cet examen approfondi dépend de deux conditions cumulatives liées à la gestion et aux effets potentiels.

Selon la jurisprudence, une évaluation est requise dès lors qu’il existe « une probabilité ou un risque qu’il affecte le site concerné de manière significative ». Cette appréciation doit être effectuée au regard des caractéristiques environnementales spécifiques de la zone protégée ainsi que de l’état de conservation des espèces.

B. L’inopportunité de l’examen anticipé des mesures de protection

La Cour de justice rejette la prise en considération des mesures d’atténuation dès la phase de préévaluation pour éviter tout risque de contournement des procédures légales. Elle estime que « l’analyse complète et précise des mesures de nature à éviter ou à réduire d’éventuels effets significatifs » relève exclusivement de l’évaluation appropriée.

L’examen prématuré de ces dispositifs techniques lors de la phase préliminaire présuppose d’ailleurs la probabilité d’un effet notable du projet sur le milieu naturel protégé. En effet, l’institution d’une telle pratique fragiliserait la structure de l’article 6 en privant la seconde phase d’examen de son utilité et de son objet.

II. Le renforcement des garanties de la directive habitats

A. Le respect du principe de précaution

La décision s’appuie sur le principe de précaution pour prévenir efficacement les atteintes à l’intégrité des sites protégés au sein du réseau écologique européen. Un critère d’autorisation moins rigoureux ne pourrait garantir la réalisation des objectifs de conservation définis par la directive relative aux habitats et à la faune.

L’évaluation doit ainsi dissiper « tout doute scientifique raisonnable quant aux effets des travaux qui sont envisagés sur le site protégé concerné » par une analyse rigoureuse. Par conséquent, cette exigence de certitude impose que les mesures protectrices soient discutées dans un cadre garantissant une expertise technique complète, précise et définitive.

B. La préservation de la participation du public et de la certitude scientifique

La solution retenue préserve également le droit des citoyens à participer activement à la procédure d’adoption des décisions ayant une incidence majeure sur leur environnement. La phase d’évaluation appropriée permet effectivement de recueillir l’avis du public après s’être assuré de l’absence d’atteinte durable à l’intégrité du patrimoine naturel.

La Cour protège l’effet utile du droit de l’Union en interdisant une interprétation qui permettrait d’évincer les garanties procédurales essentielles au stade de la préévaluation. La protection des écosystèmes fragiles impose désormais une séparation hermétique entre le constat du risque environnemental et l’examen des remèdes techniques proposés par le maître d’ouvrage.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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