La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 12 décembre 2019, un arrêt relatif à l’interprétation de la notion d’autorité judiciaire d’émission. Cette décision précise les garanties procédurales nécessaires lorsqu’un mandat d’arrêt européen est émis par un membre du ministère public pour l’exécution d’une peine.
Un procureur a délivré un titre de remise à l’encontre d’un individu condamné à des peines d’emprisonnement par le tribunal de première instance de Bruxelles. Le jugement définitif du 7 février 2019 fonde la demande de remise de l’intéressé arrêté sur le territoire d’un autre État membre.
Le tribunal d’Amsterdam a saisi la juridiction européenne d’une question préjudicielle portant sur la conformité de la législation nationale avec les exigences de protection juridictionnelle. Le litige oppose le ministère public à la personne recherchée qui conteste l’absence de recours effectif contre la décision d’émission du mandat.
Le problème de droit consiste à déterminer si l’émission d’un mandat pour l’exécution d’une peine doit obligatoirement faire l’objet d’un recours juridictionnel distinct. Cette interrogation se pose lorsque l’autorité d’émission est un parquet agissant de manière indépendante mais ne constituant pas une juridiction au sens organique.
La Cour juge que la décision-cadre ne s’oppose pas à une législation n’offrant pas de recours contre l’émission d’un tel mandat d’arrêt européen. Elle considère que la protection juridictionnelle effective est déjà « réalisée par le jugement exécutoire » ayant prononcé la condamnation privative de liberté de l’individu.
L’étude de la qualification organique de l’autorité précédera celle du contrôle juridictionnel exercé lors de l’exécution des peines.
I. L’admission du ministère public comme autorité judiciaire d’émission
L’autorité judiciaire d’émission désigne l’organe compétent selon le droit de l’État membre pour délivrer un mandat d’arrêt conformément aux règles de l’Union.
A. La participation organique à l’administration de la justice
La Cour rappelle que la notion d’autorité judiciaire ne se limite pas aux seuls juges ou juridictions d’un État membre de l’Union européenne. Le ministère public peut être qualifié d’autorité judiciaire d’émission s’il justifie d’une « participation à l’administration de la justice » pénale dans son ordre juridique. Cette participation suppose que l’organe exerce des fonctions inhérentes à la procédure criminelle sans se limiter à une mission purement administrative ou policière. En l’espèce, les membres du parquet participent directement à la mise en œuvre de la répression par l’exécution forcée des décisions de condamnation définitive.
B. L’exigence fondamentale d’indépendance de l’organe requérant
L’autorité doit agir de manière autonome en évitant tout risque d’être soumise à des ordres ou à des instructions individuelles émanant du pouvoir exécutif. L’indépendance garantie par les dispositions constitutionnelles permet à l’autorité d’exercer ses tâches sans influence extérieure lors de l’émission du mandat d’arrêt européen. Le ministère public doit pouvoir apprécier le caractère proportionné de la mesure en prenant en compte tous les éléments à charge et à décharge. Cette objectivité demeure nécessaire pour justifier l’atteinte au droit à la liberté de la personne recherchée par le biais d’un titre de contrainte.
II. L’aménagement de la protection juridictionnelle pour l’exécution des peines
Le droit de l’Union européenne impose une « protection à deux niveaux » pour garantir le respect des droits fondamentaux de la personne faisant l’objet d’un mandat.
A. La suffisance du contrôle opéré lors de la condamnation pénale
L’existence d’une procédure judiciaire antérieure statuant sur la culpabilité permet à l’autorité d’exécution de présumer la régularité du processus de remise de l’individu. La protection juridictionnelle effective est « réalisée par le jugement exécutoire » prononçant la peine privative de liberté conformément aux garanties essentielles du procès équitable. La condamnation définitive atteste que l’intéressé a bénéficié de toutes les garanties propres à l’adoption d’une décision de justice portant atteinte à sa liberté. Un recours distinct contre l’acte d’émission du mandat ne s’impose donc pas pour assurer la sauvegarde complète des droits de la défense.
B. La présomption de proportionnalité du mandat d’arrêt européen
La proportionnalité du titre émis par le procureur résulte directement de la condamnation prononcée par une juridiction indépendante lors d’un débat contradictoire préalable. Le jugement définitif renverse la présomption d’innocence et justifie la mesure de contrainte nécessaire pour assurer l’exécution effective de la sanction pénale encourue. Cette solution renforce le principe de reconnaissance mutuelle en simplifiant les procédures de remise entre les autorités judiciaires des différents États membres de l’Union. Le degré de confiance élevé entre les systèmes juridiques nationaux permet d’éviter la multiplication des recours lors de la phase finale d’exécution pénale.