Cour de justice de l’Union européenne, le 12 janvier 2023, n°C-396/21

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 12 janvier 2023, une décision essentielle relative au droit des voyages à forfait. Cette affaire concerne le droit du voyageur à une réduction de prix en période de crise sanitaire mondiale. Des voyageurs ont acquis un séjour à la Grande Canarie incluant un vol et un hébergement pour le mois de mars 2020. Pendant ce séjour, des mesures restrictives ont été imposées par les autorités locales afin de lutter contre la propagation d’une pandémie. Les prestations prévues n’ont pu être fournies normalement en raison de la fermeture des piscines et de l’instauration d’un couvre-feu.

Les intéressés ont sollicité une réduction de prix de soixante-dix pour cent auprès de l’organisateur de voyages après leur retour. Cependant, le professionnel a refusé la demande en invoquant un risque général de la vie échappant à sa responsabilité contractuelle. L’Amtsgericht de Munich a rejeté le recours initial par un jugement rendu en date du 26 novembre 2020. Le tribunal a considéré que les mesures de protection de la santé ne constituaient pas une non-conformité contractuelle indemnisable.

En conséquence, la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer pour interroger la Cour de justice de l’Union européenne. Elle se demande si des restrictions sanitaires générales constituent une non-conformité même si elles s’appliquent dans de nombreux pays. Le problème juridique consiste à déterminer si le voyageur peut prétendre à une réduction de prix malgré des mesures exceptionnelles. La Cour répond positivement en soulignant le caractère objectif de la non-conformité et la responsabilité sans faute de l’organisateur. L’analyse portera d’abord sur l’objectivation de la non-conformité des services puis sur le renforcement de la protection du voyageur.

I. L’objectivation de la non-conformité des services de voyage

A. Le caractère indépendant de l’inexécution contractuelle

La Cour rappelle que « la notion de « non-conformité » se définit comme l’inexécution ou la mauvaise exécution des services de voyage ». Cette définition repose sur une comparaison purement factuelle entre les prestations promises au contrat et celles réellement fournies aux clients. Par conséquent, l’existence d’une telle anomalie est constatée de manière objective sans rechercher l’imputabilité du manquement au professionnel. Le juge européen écarte ainsi toute considération liée à la diligence du vendeur ou à la nature imprévisible de l’événement perturbateur.

B. L’inopposabilité des circonstances exceptionnelles mondiales

Cette approche objective s’applique même lorsque les événements invoqués dépassent le cadre local du voyage concerné. L’organisateur soutenait que les restrictions sanitaires relevaient du risque général de la vie quotidienne supporté par chaque citoyen européen. Pourtant, la Cour affirme que « la cause de cette non-conformité, notamment son imputabilité à cet organisateur, est sans pertinence ». Le fait que des mesures similaires soient adoptées sur le lieu de résidence du voyageur ne saurait exonérer le vendeur professionnel. Cette objectivation de la non-conformité permet de garantir une protection accrue du consommateur par le biais d’une responsabilité sans faute.

II. Le renforcement de la protection du voyageur consommateur

A. Une responsabilité de l’organisateur dénuée de faute

Le droit à réduction de prix est soumis à l’unique condition qu’il y ait une non-conformité des services de voyage fournis. De plus, ce régime de responsabilité se caractérise par une absence de faute et par une définition limitative des cas d’exonération. La Cour précise que les exceptions propres au droit à dédommagement ne peuvent être étendues au mécanisme de la réduction tarifaire. Seule l’imputabilité du manquement au voyageur lui-même permet à l’organisateur d’écarter son obligation de diminuer le prix du forfait. Cette responsabilité stricte impose au juge national de déterminer avec précision le montant de la compensation financière due au voyageur.

B. L’évaluation concrète de la réduction de prix appropriée

La réduction de prix doit être appropriée pour toute la période de non-conformité constatée lors de l’exécution du contrat litigieux. Cette appréciation doit se fonder sur une estimation de la valeur des prestations non exécutées par rapport au prix total versé. Néanmoins, le juge national doit vérifier si la fermeture des équipements hôteliers constitue une mauvaise exécution des obligations contractuelles. La réduction de prix doit « correspondre à la valeur des services de voyage qui sont non conformes » selon l’analyse de la Cour. L’absence de signalement immédiat par le voyageur ne réduit pas l’indemnisation si l’organisateur ne pouvait pas remédier aux mesures administratives.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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