La Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 12 juillet 2012 une décision sur le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. Un assujetti établi en Bulgarie a acquis des véhicules d’occasion auprès d’un fournisseur espagnol sans être préalablement enregistré aux fins de cette taxe. L’administration fiscale a refusé la déduction demandée ultérieurement en invoquant le dépassement d’un délai de forclusion national de trois mois. Le tribunal administratif de Plovdiv a rejeté le recours en considérant que l’absence d’enregistrement préalable rendait la déduction impossible. La Cour administrative suprême a alors saisi le juge européen d’une question préjudicielle sur l’interprétation de la directive relative à la taxe.
Le juge européen affirme que les délais de forclusion sont licites s’ils ne rendent pas l’exercice du droit excessivement difficile. Il précise également que le principe de neutralité fiscale s’oppose au refus du droit à déduction pour un simple retard de paiement. L’analyse de cette décision conduit à examiner la licéité des délais de forclusion nationaux avant d’étudier la protection de la neutralité fiscale.
**I. La licéité des délais de forclusion au regard du principe d’effectivité**
**A. La légitimité de l’encadrement temporel du droit à déduction**
Le droit à déduction constitue un principe fondamental du système commun de taxe sur la valeur ajoutée au sein de l’Union européenne. Toutefois, l’exercice de ce droit peut être limité dans le temps pour garantir la sécurité juridique des assujettis et de l’administration. La décision précise que « la possibilité d’exercer le droit à déduction sans aucune limitation dans le temps irait à l’encontre du principe de sécurité juridique ». Les États membres disposent ainsi de la faculté de fixer des délais de forclusion afin d’assurer l’exacte perception de la taxe. Ces mesures ne doivent pas remettre en cause la neutralité fiscale ni aller au-delà du nécessaire pour atteindre l’objectif de contrôle.
**B. L’exigence d’une possibilité concrète d’exercice du droit**
Le délai national doit être examiné à la lumière de l’ensemble des circonstances propres à l’espèce soumise au juge du fond. La juridiction précise qu’un délai de forclusion ne doit pas rendre « en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit à déduction ». Dans cette affaire, l’assujetti ne disposait que d’un mois après son enregistrement effectif pour exercer ses droits en raison des procédures administratives. La Cour invite le juge national à tenir compte de la durée de l’enregistrement pour apprécier si le délai respecte le principe d’effectivité. Une telle approche permet de concilier les exigences de rigueur comptable avec la protection des droits économiques des entreprises.
**II. La primauté de la neutralité fiscale sur les exigences formelles**
**A. L’inopposabilité des irrégularités formelles en l’absence de fraude**
Cette exigence d’effectivité temporelle se double nécessairement d’une protection substantielle des droits de l’assujetti au regard des principes de l’Union européenne. La jurisprudence souligne que la déduction doit être accordée si les exigences de fond sont satisfaites malgré l’omission de certaines formalités. La neutralité fiscale exige que « la déduction de la taxe en amont soit accordée si les exigences de fond sont satisfaites ». Dès lors que l’administration dispose des informations nécessaires, elle ne peut imposer des conditions supplémentaires réduisant à néant l’exercice du droit. L’absence d’enregistrement préalable ne saurait donc priver l’assujetti de son droit à déduction si la réalité de l’opération est établie.
**B. La nécessaire proportionnalité des sanctions pour acquittement tardif**
Le refus total du droit à déduction en cas de simple retard de paiement est considéré comme une mesure disproportionnée par la Cour. Elle affirme que « le principe de neutralité fiscale s’oppose à une sanction consistant à refuser le droit à déduction en cas d’acquittement tardif ». Le versement d’intérêts de retard demeure une sanction adéquate pour compenser le préjudice subi par le Trésor public sans anéantir le droit. Cependant, cette sanction ne doit pas correspondre au montant de la taxe déductible car elle priverait l’assujetti de sa protection fondamentale. La lutte contre la fraude ne justifie pas des mesures automatiques frappant des opérateurs agissant de bonne foi.