Cour de justice de l’Union européenne, le 12 juillet 2012, n°C-608/10

La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision rendue le 1er mars 2012, s’est prononcée sur les conditions d’octroi des restitutions à l’exportation pour les produits agricoles. Le Finanzgericht Hamburg avait sollicité l’interprétation du règlement n° 800/1999 et du code des douanes communautaire suite à plusieurs litiges opposant des opérateurs économiques à l’administration douanière. Des sociétés avaient exporté des marchandises vers des pays tiers, mais les déclarations d’exportation mentionnaient par erreur des entités tierces dans la case réservée à l’exportateur. L’administration avait alors refusé le versement des aides financières au motif que le demandeur de la restitution ne correspondait pas à la personne identifiée sur le document douanier. Le juge national souhaitait savoir si l’inscription exacte du titulaire du certificat d’exportation en case 2 constituait une condition impérative du droit à restitution. Il s’interrogeait également sur la possibilité de réviser ces déclarations a posteriori pour rétablir la situation réelle de l’exportateur. La Cour affirme que l’inscription est en principe obligatoire mais autorise une rectification ultérieure si les objectifs de la réglementation ne sont pas menacés. Cette solution conduit à examiner l’exigence de désignation formelle de l’exportateur avant d’étudier la faculté de régularisation a posteriori offerte par le droit douanier.

I. L’exigence de désignation formelle de l’exportateur

A. La prééminence de la déclaration pour l’identification du bénéficiaire

La Cour précise que l’exportateur au sens de la réglementation européenne est la personne physique ou morale ayant droit à la restitution financière. Le juge souligne que « l’exportateur au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous i), du règlement no 800/1999 doit être clairement identifiable à l’aide de la déclaration d’exportation ». Cette identification repose sur l’inscription du nom de l’opérateur dans la case spécifiquement prévue à cet effet par les formulaires douaniers. L’absence de mention du véritable exportateur fait obstacle, en principe, au versement de la somme correspondant à la restitution à l’exportation. Les autorités douanières n’ont pas l’obligation d’interpréter les contradictions éventuelles entre les différentes cases de la déclaration pour identifier l’exportateur réel. La sécurité juridique impose une concordance parfaite entre l’identité du déclarant et celle figurant sur le certificat d’exportation présenté lors de l’opération.

B. La préservation de l’effet utile des contrôles douaniers

L’obligation de désigner correctement l’exportateur répond à la nécessité d’assurer une analyse de risque pertinente lors des opérations de chargement des marchandises. Les services douaniers doivent connaître l’identité véritable de l’opérateur pour décider de l’opportunité d’un contrôle physique immédiat des produits destinés à l’exportation. La Cour rappelle que « ces contrôles sont nécessaires pour que les objectifs de la réglementation de l’Union en matière de restitutions à l’exportation puissent être remplis ». Une erreur d’identification empêche l’administration de mener ses missions de surveillance de manière efficace dans les délais très courts du dédouanement. La rigueur de cette règle formelle protège les intérêts financiers de l’Union contre les risques de fraude ou de détournement des aides publiques. Toutefois, cette exigence de forme ne saurait occulter définitivement la réalité des opérations matérielles lorsque celles-ci sont prouvées.

II. L’admission d’une régularisation a posteriori de la situation réelle

A. La révision de la déclaration fondée sur le droit douanier

Le juge européen s’appuie sur le code des douanes pour permettre un alignement de la procédure administrative sur la réalité matérielle de l’exportation. Il énonce que « l’article 78, paragraphe 3, du code des douanes permet, en principe, la révision d’une déclaration d’exportation pour corriger le nom de l’exportateur ». Cette faculté de révision n’est pas limitée par la nature de l’erreur commise, qu’elle soit involontaire ou qu’elle résulte d’une omission. Les autorités douanières disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour examiner si les objectifs du régime douanier ont été menacés par l’inexactitude initiale. Le demandeur doit établir avec certitude que les marchandises ont effectivement quitté le territoire douanier de l’Union européenne conformément à la réglementation. Si la réalité de l’exportation est démontrée, l’administration est tenue de prendre les mesures nécessaires pour rétablir la situation juridique de l’opérateur.

B. L’opposabilité de la rectification aux instances de paiement

La décision de rectification adoptée par un bureau de douane d’exportation s’impose au service chargé de procéder au paiement effectif de la restitution. La Cour indique que le bureau compétent pour le paiement est lié par la rectification opérée a posteriori si celle-ci constitue une décision administrative valide. Le bureau de paiement ne peut pas refuser la demande au seul motif que l’identité initiale figurant sur la déclaration était erronée. Il doit attendre qu’il soit statué sur la demande de rectification avant de rejeter éventuellement le dossier pour un motif lié à la qualité de l’exportateur. Cette obligation de cohérence entre les différents services administratifs garantit le respect du principe de bonne administration et l’effectivité des droits des opérateurs. L’autorité douanière doit communiquer sa décision par écrit au demandeur afin de lui permettre d’exercer ses recours conformément au droit national.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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