La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 12 juin 2014, un arrêt portant sur l’indemnisation financière des congés annuels en cas de décès. Un salarié est décédé après avoir été placé en incapacité de travail prolongée, laissant un reliquat de cent quarante jours de congés annuels non pris. Son unique héritière a réclamé à l’ancien employeur une compensation pécuniaire que ce dernier a refusé de verser en raison de la fin du contrat. La juridiction de première instance a rejeté la demande en s’appuyant sur une jurisprudence nationale prévoyant l’extinction pure et simple du droit lors du décès. Saisie en appel, la juridiction du tribunal supérieur du travail de Hamm interroge la Cour sur la conformité de cette pratique au droit de l’Union. Le problème juridique porte sur le maintien du droit à indemnisation lorsque la relation de travail prend fin par le décès imprévu du salarié concerné. La Cour juge que le décès ne saurait entraîner la perte rétroactive du droit au congé annuel payé garanti par la directive européenne de deux mille trois. L’analyse du sens de cette protection impérative précédera l’étude de la portée de l’indemnisation financière comme corollaire nécessaire de la rupture de la relation contractuelle.
I. La protection impérative du droit au congé annuel payé
A. Un principe du droit social de l’Union de première importance
Le droit au congé doit être considéré comme « un principe du droit social de l’Union revêtant une importance particulière auquel il ne saurait être dérogé ». La Cour rappelle que ce droit fondamental comporte deux volets indissociables : la prise d’un repos effectif et le maintien de la rémunération ordinaire du travailleur. Le juge européen refuse toute interprétation restrictive des dispositions protectrices afin de garantir la sécurité ainsi que la santé physique et mentale de tous les salariés. Cette approche souligne la valeur quasi constitutionnelle du repos annuel au sein de l’ordre juridique européen depuis l’intégration de la charte des droits fondamentaux.
B. L’inaliénabilité du droit malgré la survenance du décès
L’extinction automatique du droit lors du décès constituerait une occurrence fortuite échappant totalement au contrôle du travailleur et de son employeur durant l’exécution contractuelle. La Cour précise que la directive s’oppose à des pratiques nationales prévoyant que « le droit au congé annuel payé s’éteint sans donner droit à une indemnité financière ». Le patrimoine du défunt doit intégrer la créance née du travail accompli avant la rupture, car la perte totale du droit léserait gravement les ayants droit. Cette solution assure que la fin de la relation de travail ne prive pas rétroactivement le salarié du bénéfice financier de ses droits légalement acquis.
II. L’indemnisation financière comme corollaire nécessaire de la rupture
A. La conversion automatique en créance de nature successorale
Lorsque la prise effective du repos n’est plus possible, le travailleur a droit à une indemnité financière afin d’éviter toute exclusion de jouissance du droit. La juridiction européenne considère que le texte communautaire ne pose aucune condition à l’ouverture de ce droit autre que la cessation effective de la relation de travail. Le droit à l’obtention d’un paiement se substitue au repos physique dès lors que le lien contractuel entre l’employeur et le salarié prend fin définitivement. L’indemnité doit être versée aux successeurs sans que les circonstances particulières du décès ne puissent justifier un refus de paiement de la part de l’entreprise.
B. L’inutilité d’une demande préalable de la part du travailleur
Le bénéfice d’une telle indemnité ne saurait être subordonné à l’existence d’une demande préalable formulée par l’intéressé avant la survenance de son décès ou de sa maladie. Ce droit est conféré directement par la directive sans que le travailleur n’ait l’obligation d’intervenir de manière formelle pour en obtenir le bénéfice pécuniaire légal. L’absence de sollicitation avant la rupture est dépourvue de toute pertinence puisque l’employeur reste tenu par ses obligations financières nées durant la période de référence. Cette jurisprudence renforce la protection des travailleurs en limitant les obstacles procéduraux nationaux contraires aux objectifs fondamentaux de progrès social poursuivis par l’Union européenne.