Cour de justice de l’Union européenne, le 12 juin 2019, n°C-185/18

Le 12 juin 2019, la Cour de justice de l’Union européenne a précisé l’interprétation de l’article 401 de la directive relative au système commun de taxe. Une société spécialisée achète des objets en métaux précieux auprès de particuliers pour les revendre à des fondeurs après une opération de transformation. L’administration fiscale régionale a assujetti ces transactions à un impôt sur les transmissions patrimoniales grevant les acquisitions réalisées par les professionnels du secteur.

Le tribunal administratif économique provincial a rejeté la réclamation de l’entreprise par un jugement rendu le 18 juin 2015. Le Tribunal Superior de Justicia del País Vasco a confirmé cette position par un arrêt daté du 13 septembre 2016. Saisi d’un pourvoi, le Tribunal Supremo a formé un renvoi préjudiciel le 7 février 2018 afin d’éclairer la portée du principe de neutralité fiscale. La société requérante soutenait que l’impossibilité de déduire cet impôt indirect créait une charge fiscale injustifiée lors de la réintroduction des biens sur le marché. La Cour a considéré que la directive ne s’oppose pas à une taxe nationale ne présentant pas les caractéristiques d’une taxe sur le chiffre d’affaires.

I. La qualification de l’impôt au regard des critères de la taxe sur la valeur ajoutée

A. L’absence de nature de taxe sur le chiffre d’affaires

La Cour rappelle que les États membres peuvent maintenir des taxes « n’ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d’affaires ». L’impôt sur les transmissions patrimoniales ne répond pas aux quatre caractéristiques essentielles définies par la jurisprudence constante pour qualifier une telle taxe. Ce prélèvement ne frappe pas de manière générale toutes les transactions et n’est pas perçu à chaque stade du processus de production. L’absence d’un mécanisme de déduction des montants acquittés lors des étapes précédentes distingue fondamentalement cette taxe nationale du système commun européen.

B. La licéité de régimes de taxation nationaux concurrents

L’article 401 de la directive autorise la perception de droits d’enregistrement ou de taxes n’entravant pas les échanges entre les pays membres. « Le droit de l’Union admettant ainsi l’existence de régimes de taxation concurrents », les États conservent une compétence fiscale pour les opérations non harmonisées. La perception de tels impôts demeure possible même lorsqu’elle entraîne un cumul de charges pour une seule et même opération économique. Cette autonomie fiscale permet de soumettre les acquisitions auprès des particuliers à un régime distinct de celui applicable aux livraisons entre assujettis. L’analyse de la nature de la taxe précède nécessairement celle de la conformité du dispositif aux exigences de la neutralité fiscale.

II. La portée limitée du principe de neutralité fiscale au système harmonisé

A. L’exclusion de la protection pour les taxes non harmonisées

La société requérante invoquait une violation de la neutralité fiscale en raison de l’impossibilité de déduire la taxe versée lors de l’acquisition. Toutefois, la Cour précise que « le principe de neutralité fiscale en matière de TVA n’impose cette neutralité que dans le cadre du système harmonisé ». La protection offerte par ce principe ne saurait s’étendre à des prélèvements nationaux qui échappent aux règles strictes de la directive de 2006. Dès lors qu’un impôt n’est pas harmonisé, son application ne peut être critiquée au regard des objectifs de neutralité propres à la valeur ajoutée.

B. La validité du cumul d’impositions sur une même opération

Les juges européens soulignent que « de tels impôts peuvent également être perçus lorsque leur perception peut conduire à un cumul avec la TVA ». Le professionnel ne peut pas exiger la déduction d’une taxe nationale sur le fondement de principes réservés exclusivement aux taxes sur le chiffre d’affaires. La charge fiscale finale reposant sur le consommateur n’est pas altérée par la perception d’un droit de mutation lors d’une phase amont. La solution retenue valide la coexistence de prélèvements locaux et européens sans que cela constitue une entrave au bon fonctionnement du marché intérieur.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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