La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 12 juin 2019, précise l’application de la directive relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes. Une autorité régionale a adopté un acte fixant des objectifs de conservation pour le réseau Natura deux mille sans réaliser d’évaluation environnementale stratégique préalable. Une association a saisi le Conseil d’État de Belgique d’un recours en annulation contre cet acte réglementaire en invoquant une violation du droit de l’Union européenne. La juridiction nationale a alors interrogé la Cour sur la qualification de ce texte au regard de l’obligation de procéder à une évaluation des incidences. Les juges devaient déterminer si un arrêté fixant des objectifs de conservation régionaux constitue un plan ou programme soumis à une évaluation environnementale obligatoire. La Cour juge qu’un tel acte, ayant une simple valeur indicative, ne définit pas le cadre d’autorisation des projets et échappe donc à cette obligation.
I. L’appréciation rigoureuse des critères de qualification du plan ou programme
A. L’identification des conditions organiques et législatives de l’acte
La Cour rappelle que la notion de plans et programmes suppose la réunion de deux conditions cumulatives précises prévues par la directive environnementale. Ces actes doivent être « élaborés et adoptés par une autorité » et être « exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives » selon les termes du texte. En l’espèce, l’arrêté litigieux émane du gouvernement d’une région et trouve son fondement juridique dans une loi relative à la conservation de la nature. La juridiction souligne que cette interprétation large garantit un niveau élevé de protection en incluant les décisions encadrées par une procédure nationale d’élaboration. L’adoption de l’acte par une autorité publique régionale permet ainsi de satisfaire le premier critère organique nécessaire à la qualification de plan ou programme. Le caractère obligatoire de l’adoption de l’arrêté au regard du droit interne confirme également l’existence d’une base juridique suffisante pour l’application de la directive.
B. L’exigence d’un cadre fixant l’autorisation future des projets
La qualification de plan ou programme dépend essentiellement de la capacité de l’acte à définir le cadre de mise en œuvre de futurs projets. Les juges précisent que cette notion se rapporte à tout acte établissant « un ensemble significatif de critères et de modalités pour l’autorisation » des projets futurs. Or, l’arrêté commenté fixe des objectifs de conservation qui présentent une valeur seulement indicative à l’échelle de l’ensemble de la région concernée. La Cour relève que ces orientations ne constituent pas des règles contraignantes directement applicables pour la délivrance des autorisations administratives ou des permis. L’acte « ne définit pas le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets pourra être autorisée à l’avenir » au sens de la législation européenne. Cette absence de portée normative immédiate sur les procédures d’autorisation ultérieures justifie l’exclusion de l’acte du champ d’application de l’évaluation environnementale.
II. L’articulation cohérente des différentes directives de protection environnementale
A. L’autonomie du régime de l’évaluation stratégique des incidences
La Cour affirme que l’absence d’évaluation au titre de la directive relative aux habitats naturels n’interdit pas l’application de la directive sur l’évaluation stratégique. Le gouvernement soutenait que les mesures de gestion des sites Natura deux mille étaient exonérées par principe de toute forme d’analyse environnementale préalable. Les juges considèrent pourtant que les évaluations effectuées au nom d’autres instruments « coexistent et complètent utilement les règles de la directive habitats » pour la protection. La finalité de la directive environnementale demeure l’intégration des considérations écologiques dès la phase d’élaboration des actes susceptibles d’avoir des incidences notables. Un acte bénéfique pour l’environnement n’est pas dispensé d’évaluation, car des effets positifs ne sont pas pertinents pour apprécier la nécessité d’une étude. Cette solution préserve l’effet utile du droit de l’Union en évitant que des mesures générales échappent à tout contrôle de leurs impacts globaux.
B. La portée limitée de la solution aux mesures de nature indicative
La solution retenue par la Cour repose sur la distinction fondamentale entre les objectifs de conservation régionaux et ceux applicables aux sites particuliers. La décision précise qu’un arrêté fixant des « objectifs de conservation ayant une valeur indicative » n’impose pas la réalisation d’une évaluation des incidences sur l’environnement. Toutefois, la Cour souligne que les objectifs de conservation à l’échelle des sites possèdent, dans le droit interne concerné, une valeur juridique réglementaire. Cette différence de nature juridique entraîne une variation du régime d’obligation selon que l’acte définit ou non des critères contraignants pour les autorités. L’interprétation des juges limite ainsi la portée de l’exonération aux seules mesures d’orientation générale qui ne préjugent pas des décisions d’autorisation concrètes. La protection de l’environnement est assurée par le maintien de l’obligation d’évaluation pour tous les plans dotés d’une force obligatoire réelle sur les projets.