Cour de justice de l’Union européenne, le 12 juin 2025, n°C-364/23

Dans une décision rendue le 27 mars 2025, la Cour de justice de l’Union européenne se prononce sur l’articulation des procédures de recrutement des fonctionnaires. Le litige porte sur un agent détaché auprès d’un office européen ayant sollicité son transfert définitif lors de la publication d’un avis de vacance. L’administration rejette cette demande au motif que la procédure interne de mutation ne s’appliquerait pas aux sollicitations individuelles de transfert interinstitutionnel. Le Tribunal de l’Union européenne, par un arrêt du 29 mars 2023, confirme initialement cette analyse en rejetant le recours formé par l’intéressé. Un pourvoi est alors introduit devant la Cour de justice afin de contester cette interprétation restrictive des dispositions du statut des fonctionnaires. La question posée porte sur l’obligation pour une autorité administrative d’examiner une demande de transfert individuel dans le cadre d’un recrutement élargi. La Cour de justice annule la décision précédente en affirmant que l’administration doit prendre en considération de telles demandes pour garantir l’effet utile. L’étude de cette décision s’articulera autour de l’équivalence reconnue entre le transfert et la mutation (I) puis de l’obligation d’examen des demandes (II).

I. L’équivalence juridique entre les notions de transfert et de mutation

A. L’unification sémantique par l’analyse comparative des textes

La Cour de justice procède à une analyse comparative des versions linguistiques du statut pour établir une identité de sens entre deux notions juridiques. Elle relève que « les notions de transfert, au sens de l’article 8 du statut, et de mutation, au sens de l’article 29, paragraphe 1, sous b), de celui-ci, doivent être considérées comme étant équivalentes ». Cette approche fonctionnelle unifie le régime juridique applicable aux mouvements de personnel entre les différentes institutions de l’Union européenne. L’interprétation littérale permet ainsi de dépasser les divergences terminologiques observées dans la version française du texte réglementaire. Par cette motivation, le juge assure une cohérence globale aux mécanismes de mobilité interne et interinstitutionnelle prévus par le législateur.

B. La remise en cause de la séparation étanche des procédures statutaires

Le Tribunal avait initialement considéré qu’une demande de transfert individuel ne pouvait pas se rattacher à un emploi vacant faisant l’objet d’un avis spécifique. La Cour de justice censure ce raisonnement en soulignant qu’une nomination ne peut avoir pour objet que de pourvoir à la vacance d’un emploi permanent. Elle affirme que « le Tribunal a commis une erreur de droit » en excluant l’application concomitante des articles 8 et 29 du statut. Cette décision rétablit la réalité matérielle des procédures administratives où tout mouvement de personnel suppose nécessairement l’existence d’un poste disponible. La qualification juridique de la demande doit donc correspondre à l’objectif de recrutement poursuivi par l’institution d’accueil.

II. L’obligation d’examen des demandes individuelles de transfert

A. La garantie de l’effectivité du droit au transfert interinstitutionnel

L’arrêt souligne que le droit de demander un transfert après six mois de détachement doit bénéficier d’une protection concrète au sein de l’administration. Bien que le statut ne confère aucun droit automatique à l’obtention d’un poste, il impose néanmoins une obligation de diligence à l’autorité compétente. L’institution a ainsi « l’obligation de la prendre en considération et de l’examiner en vue de pourvoir l’emploi vacant concerné » dès lors que la procédure est élargie. Cette exigence garantit que les mérites des fonctionnaires détachés sont évalués de manière équitable par rapport aux autres candidats potentiels. Le juge européen veille à ce que les prérogatives administratives ne vident pas de sa substance une faculté offerte par le statut.

B. L’incidence de l’ordre de priorité sur la légalité du recrutement

L’annulation de la décision administrative découle du non-respect de l’ordre de priorité établi pour le pourvoi des emplois vacants au sein des instances européennes. L’autorité administrative ne pouvait légalement écarter une candidature au seul motif que l’intéressé appartenait initialement à une autre institution de l’Union. La Cour précise que l’examen doit porter sur les « plus hautes qualités de rendement, de compétence et d’intégrité » sans discrimination fondée sur l’origine du candidat. Cette solution impose une remise à plat de la procédure de recrutement afin d’intégrer l’ensemble des demandes recevables dans l’analyse comparative. La décision finale marque une étape importante pour la mobilité des agents publics et la fluidité des carrières au sein de l’Union.

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Hassan KOHEN
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