La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 3 juin 2021, interprète les dispositions relatives à la protection des espèces sauvages. Cette décision porte sur les conditions d’importation de produits dérivés d’espèces protégées et sur les conséquences du dépassement des limites quantitatives autorisées. En décembre 2015, un particulier entre sur le territoire de l’Union par l’aéroport de Düsseldorf avec six boîtes de caviar sans permis d’importation. L’administration douanière confisque l’intégralité de la marchandise, laquelle pèse trois cents grammes, dépassant ainsi largement le seuil réglementaire fixé à cent vingt-cinq grammes. La requérante conteste cette saisie devant le tribunal des finances de Düsseldorf en soutenant que le caviar était destiné à sa consommation personnelle ou à des cadeaux. La juridiction de première instance ordonne la restitution de deux boîtes, correspondant à la limite autorisée, ce que l’administration conteste devant la Cour fédérale des finances. La juridiction de renvoi s’interroge sur la qualification d’effets personnels pour des cadeaux et sur l’étendue de la confiscation en cas de dépassement du seuil. La Cour de justice affirme que les cadeaux relèvent des effets personnels mais impose la confiscation totale dès que la limite quantitative est franchie sans permis. La solution retenue privilégie une définition large de l’usage privé tout en imposant une sanction rigoureuse afin de garantir l’efficacité des contrôles douaniers européens.
I. L’assimilation des libéralités à la notion d’effets personnels ou domestiques
A. L’indifférence de l’identité du destinataire final du spécimen importé
L’article 2 du règlement n o 338/97 définit les « effets personnels ou domestiques » comme des produits appartenant à un particulier et faisant partie de ses biens normaux. La Cour souligne que ce libellé ne précise pas si l’usage de ces spécimens doit être réservé exclusivement à l’importateur pour bénéficier de la dérogation. Elle juge qu’il « ne saurait être exclu que de tels effets […] puissent être ensuite cédés gratuitement par l’importateur à un tiers à titre de présent ». Cette interprétation extensive permet d’inclure les cadeaux familiaux dans le champ des exceptions au contrôle strict sans pour autant compromettre l’esprit du texte initial.
B. La prépondérance du critère de l’absence de finalité commerciale
La résolution de la conférence des parties à la convention internationale confirme que la notion d’objet personnel s’applique aux spécimens possédés à des fins non commerciales. Le juge européen précise qu’un produit dérivé ne peut être qualifié d’effet personnel dès lors que l’importateur poursuit, même partiellement, une quelconque finalité lucrative ou commerciale. La qualification est admise « dès lors que ledit caviar est détenu ou possédé à titre personnel », indépendamment du fait qu’il soit destiné à être offert. Si la Cour adopte une vision souple de la destination des biens, elle maintient une application stricte des seuils quantitatifs sous peine de sanctions matérielles globales.
II. La rigueur de la confiscation intégrale en cas de franchissement des seuils
A. L’interprétation restrictive des dérogations au régime général de protection
L’article 4 du règlement impose la présentation d’un permis d’importation pour les espèces inscrites à l’annexe B afin d’assurer une conservation optimale de la biodiversité. La dispense de ce document pour une quantité de caviar inférieure à cent vingt-cinq grammes constitue une exception qui doit nécessairement faire l’objet d’une lecture étroite. La Cour rappelle qu’une telle protection ne peut être garantie que si la dérogation reste limitée aux importations de très faibles quantités de produits dérivés protégés. Le non-respect de la limite quantitative fait perdre à l’importateur le bénéfice de la dérogation, replaçant l’intégralité de la marchandise sous le régime du permis obligatoire.
B. L’impératif de simplicité et d’efficacité des procédures de contrôle douanier
Une restitution partielle de la marchandise conforme au seuil créerait une complexité administrative importante pour les autorités chargées de la surveillance des frontières extérieures de l’Union. La Cour écarte l’analogie avec le régime des franchises douanières pour privilégier l’objectif de faciliter les procédures et d’assurer des contrôles douaniers parfaitement efficaces et rapides. Elle conclut que « l’intégralité de la quantité de caviar d’esturgeons ainsi importée doit être confisquée par l’autorité douanière compétente » en l’absence de permis valide présenté. Cette solution radicale dissuade les voyageurs de dépasser les tolérances réglementaires et simplifie la tâche des agents douaniers lors des constatations matérielles dans les aéroports.