Par un arrêt, la Cour de justice de l’Union européenne a été amenée à se prononcer sur l’étendue des obligations incombant à un État membre en matière de service universel des communications électroniques. En l’espèce, une procédure en manquement avait été engagée à l’encontre d’un État membre au motif qu’il n’assurait pas une mise à disposition complète et effective d’annuaires et de services de renseignements téléphoniques pour l’ensemble des utilisateurs finals. La Commission européenne soutenait que la simple existence formelle de ces services ne suffisait pas à remplir les exigences découlant du droit de l’Union, si dans la pratique, l’accès n’était pas garanti à tous. Il revenait ainsi à la Cour de déterminer si l’absence de garantie effective de mise à disposition d’au moins un annuaire complet et d’un service de renseignements téléphoniques complet constituait un manquement aux obligations de la directive 2002/22/CE. La Cour de justice a répondu par l’affirmative, considérant que l’État membre avait manqué à ses obligations. Cette décision, qui rappelle la force contraignante des objectifs du service universel, confirme l’approche pragmatique de la Cour quant à l’effectivité des droits des utilisateurs finals.
I. Le rappel de la portée contraignante des obligations de service universel
La solution retenue par la Cour de justice souligne l’importance attachée à l’application concrète des dispositions relatives au service universel, en insistant sur la nécessité d’une mise à disposition effective de ces prestations et sur la finalité protectrice de ce mécanisme.
A. L’exigence d’une mise à disposition effective des services
La Cour de justice ne se contente pas d’une application théorique des textes, mais en recherche l’efficacité pratique. En retenant que l’État membre a manqué à ses obligations « en ne garantissant pas, dans la pratique, la mise à la disposition de tous les utilisateurs finals d’au moins un annuaire complet », elle met l’accent sur le résultat attendu. La simple transposition de la directive en droit interne ou la désignation formelle d’un prestataire ne sauraient suffire à exonérer un État de sa responsabilité. L’obligation de garantir implique une démarche active de sa part, visant à s’assurer que les services sont non seulement disponibles en théorie, mais également accessibles en pratique par n’importe quel utilisateur sur son territoire. Cette interprétation impose donc un contrôle de l’exécution matérielle des obligations, au-delà du seul cadre normatif.
B. La finalité de protection des utilisateurs dans un marché concurrentiel
Le service universel a été conçu comme un filet de sécurité dans le contexte de la libéralisation des marchés des télécommunications. Son objectif est de garantir que des services définis, d’une qualité spécifiée, soient mis à la disposition de tous les utilisateurs, indépendamment de leur localisation géographique et à un prix abordable. En sanctionnant l’État membre défaillant, la Cour réaffirme que la fourniture d’un annuaire et d’un service de renseignements constitue un droit fondamental pour les utilisateurs. Ces outils sont en effet indispensables pour permettre aux citoyens et aux entreprises de tirer pleinement parti des services de communications. La décision rappelle ainsi que les impératifs économiques de la concurrence ne doivent pas occulter la dimension sociale et l’objectif de cohésion territoriale inhérents au service universel.
II. La confirmation d’une interprétation pragmatique de l’effectivité du droit de l’Union
Au-delà de la question spécifique des services de renseignements, cet arrêt s’inscrit dans une jurisprudence bien établie qui valorise l’effet utile des directives et dont la portée se veut avant tout préventive.
A. La sanction d’une carence étatique au regard de l’effet utile de la directive
Cette décision est une illustration classique du principe de l’effet utile du droit de l’Union. Ce principe exige que les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour garantir la portée et l’efficacité du droit de l’Union. Une directive serait privée de son effet contraignant si les États pouvaient se contenter de mesures purement symboliques. En l’espèce, la Cour juge que l’objectif de la directive « service universel », qui est d’assurer l’accès de tous à des services essentiels, serait compromis si sa mise en œuvre n’était pas effective. La Cour se positionne donc comme la gardienne de l’application concrète des droits que les textes européens confèrent aux justiciables, en l’occurrence les utilisateurs de services de communications. Le manquement est ainsi constitué non par l’intention de l’État, mais par la simple constatation objective de sa défaillance à atteindre le résultat prescrit.
B. Une solution classique à la portée préventive
L’arrêt commenté ne constitue pas un revirement de jurisprudence mais plutôt une application orthodoxe des règles relatives au recours en manquement. La solution n’est pas surprenante et s’inscrit dans le dialogue constant entre la Commission, gardienne des traités, et les États membres quant à leurs obligations. La portée de cette décision est donc moins à chercher dans l’innovation juridique que dans sa fonction de rappel à l’ordre. Elle adresse un signal à l’ensemble des États membres sur la nécessité de vérifier scrupuleusement l’application effective des directives, notamment celles qui confèrent des droits directs aux citoyens. Bien que la directive 2002/22/CE ait depuis été refondue, les principes qu’elle énonce en matière de service universel conservent toute leur pertinence et la solution de la Cour demeure parfaitement transposable aux cadres juridiques qui lui ont succédé.