La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le douze mars deux mille quinze, une décision relative à l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée. Le litige porte sur l’interprétation des dispositions prévoyant des avantages fiscaux pour les prestations étroitement liées à l’aide et à la sécurité sociales.
Une société de travail intérimaire met du personnel soignant qualifié à la disposition d’établissements de soins stationnaires ou ambulatoires. Ces travailleurs exécutent leurs missions sous la direction technique des structures d’accueil sans lien de droit direct avec les patients finaux. L’administration fiscale a refusé l’exonération de ces prestations au motif que l’entreprise n’exploite pas elle-même un établissement de soins. Le Tribunal des finances de Hambourg a rejeté le recours formé par la société contre cette décision d’imposition au taux normal. La Cour fédérale des finances a ensuite saisi la juridiction européenne d’une question préjudicielle portant sur l’interprétation de la directive.
Il s’agit de savoir si une agence d’intérim peut être qualifiée d’organisme reconnu comme ayant un caractère social au sens du droit communautaire. La Cour énonce que « ni le personnel soignant diplômé d’État […] ni une société de travail intérimaire » ne relèvent de cette notion. L’étude de cette solution suppose d’analyser les critères de reconnaissance des organismes sociaux avant d’examiner la nature juridique des prestations fournies.
**I. La détermination rigoureuse de la qualité d’organisme social**
**A. L’incompatibilité du statut de salarié avec la reconnaissance sociale**
La juridiction européenne rappelle d’abord qu’un assujetti doit exercer une activité économique d’une façon indépendante pour entrer dans le champ de la taxe. Cette condition fondamentale exclut nécessairement les salariés liés à leur employeur par un contrat de louage de travail ou un lien de subordination. Par conséquent, les infirmiers mis à disposition ne peuvent pas invoquer personnellement le bénéfice de l’exonération prévue par la directive. Le juge précise ainsi que « l’exonération prévue […] ne peut être appliquée directement au personnel d’une société de travail intérimaire ». Seule la structure juridique employant ces agents est susceptible de revendiquer un statut particulier auprès des autorités fiscales nationales.
**B. L’encadrement du pouvoir d’appréciation des autorités nationales**
Les États membres disposent d’un pouvoir d’appréciation pour définir les règles de reconnaissance des établissements sollicitant un caractère social. Cette prérogative étatique n’est toutefois pas absolue et doit s’exercer sous le contrôle des juridictions nationales conformément au droit de l’Union. Les autorités doivent prendre en considération le caractère d’intérêt général des activités de l’assujetti ainsi que le financement éventuel par des organismes sociaux. En l’espèce, la législation nationale n’accordait aucune reconnaissance aux entreprises dont l’objet social se limite au simple louage de main-d’œuvre qualifiée. La décision confirme la validité de cette restriction en soulignant l’absence de finalité sociale intrinsèque à l’activité de l’agence d’intérim.
**II. L’exclusion des prestations de mise à disposition de personnel**
**A. La distinction entre service social et fourniture de main-d’œuvre**
La Cour opère une distinction nette entre l’acte de soigner et l’acte de mettre du personnel soignant à la disposition d’un tiers. Elle relève que « la mise à disposition de travailleurs ne constitue pas, en tant que telle, une prestation de services d’intérêt général ». L’objet de la transaction commerciale entre l’agence et l’établissement de soins reste strictement limité à la fourniture de ressources humaines. Le caractère social de l’organisme destinataire n’est pas transmissible au prestataire de services dont l’activité est jugée purement commerciale. Cette analyse technique préserve l’étanchéité entre les missions de santé publique et les opérations économiques de gestion de personnel.
**B. La portée du principe d’interprétation stricte des exonérations**
L’interprétation des exonérations fiscales doit être stricte car elles dérogent au principe général de perception de la taxe sur chaque prestation onéreuse. Étendre le bénéfice de l’exonération à une société de travail temporaire reviendrait à méconnaître les objectifs précis poursuivis par le législateur européen. Le juge souligne que le personnel concerné agit dans un cadre de subordination organisationnelle propre à l’établissement de soins emprunteur. La solution garantit la neutralité fiscale en évitant des distorsions de concurrence entre les agences d’intérim et les autres entreprises commerciales. L’arrêt consacre ainsi une vision fonctionnelle du droit social qui privilégie la nature de l’activité sur la qualité professionnelle des agents.