La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 12 novembre 2014, précise les conditions de prorogation de compétence du règlement Bruxelles II bis. Cette décision traite de la détermination du juge compétent pour statuer sur la responsabilité parentale quand l’enfant réside dans un autre État membre. Un parent a saisi les juridictions d’un État dont l’enfant possède la nationalité mais où il ne réside pas habituellement. Le parent défendeur a contesté la compétence de ce tribunal lors de sa première comparution tout en introduisant une demande distincte devant la même instance. La juridiction de renvoi interroge la Cour sur la possibilité de fonder une compétence sans procédure matrimoniale pendante et sur l’acceptation de cette compétence. La Cour juge que l’article 12, paragraphe 3, permet de fonder la compétence d’un État sans autre procédure pendante devant la juridiction choisie. Elle ajoute que l’introduction d’une seconde action ne vaut pas acceptation de compétence si l’incompétence est soulevée dès le premier acte. L’étude de cette solution suppose d’envisager l’autonomie de la prorogation de compétence avant d’analyser l’interprétation stricte du consentement des parties.
I. L’autonomie de la prorogation de compétence
A. L’indépendance de la saisine vis-à-vis de toute procédure pendante L’article 12, paragraphe 3, du règlement n o 2201/2003 offre une flexibilité importante pour déroger au critère de la résidence habituelle de l’enfant. La Cour interprète cette disposition « en ce sens qu’il permet de fonder la compétence d’une juridiction alors même qu’aucune autre procédure n’est pendante ». Cette solution consacre l’autonomie de la prorogation de compétence par rapport aux procédures de divorce ou de séparation de corps. Les parties peuvent ainsi choisir d’un commun accord un juge plus proche de leurs attaches nationales ou culturelles. Cette interprétation favorise une certaine liberté contractuelle entre les parents sans exiger de lien avec un contentieux matrimonial préexistant.
B. La préservation de l’intérêt supérieur de l’enfant comme limite Le choix d’une juridiction par les parties doit impérativement s’accompagner d’un lien substantiel entre l’enfant et l’État membre concerné. La Cour souligne que la compétence choisie doit répondre à l’intérêt supérieur de l’enfant pour être validée juridiquement par les juges. Cette condition de fond protège le mineur contre des choix parentaux purement stratégiques ou déconnectés de sa réalité sociale et géographique quotidienne. Le juge saisi doit vérifier si la proximité culturelle ou linguistique justifie réellement l’écart avec le principe général de la résidence habituelle. L’autonomie reconnue aux parents reste donc encadrée par un contrôle juridictionnel strict garantissant la protection de l’intérêt concret du mineur.
II. L’interprétation stricte du consentement à la compétence
A. La chronologie nécessaire de l’acceptation des parties L’acceptation de la compétence par toutes les parties doit être établie de manière certaine dès le moment de la saisine du juge. La Cour exige que cette volonté soit « acceptée expressément ou de toute autre manière non équivoque » par le défendeur à l’instance. Cette exigence garantit que le parent n’ayant pas pris l’initiative du procès consent réellement à s’écarter de son juge naturel. La clarté du consentement prévient les contestations ultérieures qui nuiraient gravement à la célérité de la procédure judiciaire en matière familiale. Le respect de ce formalisme temporel assure que le juge saisi dispose d’une légitimité incontestable pour trancher le litige dès son origine.
B. La primauté de l’exception d’incompétence sur les actes ultérieurs Une difficulté surgit lorsqu’un défendeur engage une procédure parallèle tout en contestant la compétence du juge pour la demande initiale formulée. La Cour de justice décide qu’on ne peut considérer la compétence comme acceptée si la partie « soulève l’incompétence dans le cadre du premier acte ». L’introduction ultérieure d’une seconde demande ne suffit pas à caractériser une renonciation tacite à l’exception d’incompétence régulièrement soulevée par le défendeur. Cette position protège efficacement les droits de la défense en permettant au parent de sauvegarder ses intérêts sans valider une saisine initiale irrégulière. La rigueur de cette solution assure une prévisibilité indispensable à la sécurité juridique des relations familiales au sein de l’espace judiciaire européen.