La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 12 octobre 2017, une décision relative à l’interprétation du règlement concernant la production biologique. Le litige portait sur la commercialisation de mélanges d’épices étiquetés comme biologiques par une société pratiquant exclusivement la vente à distance par internet. Cette entreprise n’était pas soumise au système de contrôle obligatoire prévu par la législation européenne alors en vigueur sur les produits biologiques. Une association a contesté cette pratique commerciale en invoquant une violation des obligations de notification et de contrôle imposées à tout opérateur du secteur. La juridiction d’appel a accueilli la demande d’indemnisation des frais de mise en demeure engagés par l’organisme contestant la licéité de l’offre. Saisi d’un recours, le Bundesgerichtshof de Karlsruhe a décidé de surseoir à statuer pour interroger la Cour de justice sur la notion de vente directe. Il s’agissait de déterminer si la dispense de contrôle s’appliquait aux ventes réalisées sans intermédiaire ou si elle exigeait la présence simultanée des parties. Le juge européen a affirmé que la vente directe au consommateur final nécessite impérativement la présence physique de l’opérateur et de l’acheteur. Cette analyse abordera d’abord l’interprétation restrictive du régime dérogatoire avant d’examiner les objectifs de protection de la confiance des consommateurs et du marché.
I. L’interprétation restrictive du régime dérogatoire des produits biologiques
A. Le caractère exceptionnel de la dispense de contrôle administratif
Le règlement prévoit que les activités de production et de distribution de produits biologiques doivent être soumises à un système de contrôle rigoureux et permanent. L’article 28 autorise toutefois les États membres à dispenser certains opérateurs revendant des produits directement au consommateur ou à l’utilisateur final de ces obligations. La Cour souligne que cette disposition introduit une dérogation à la règle générale et doit donc être interprétée de manière particulièrement restrictive par les juges. Elle rappelle à cet égard que « les dérogations aux exigences en matière de production biologique devraient donc se limiter aux seuls cas » strictement justifiés. Une lecture large de cette exception risquerait de compromettre l’objectif fondamental de garantir l’origine biologique des produits mis sur le marché de l’Union.
B. La subordination de la vente directe à une présence physique simultanée
L’emploi du terme « directement » dans le texte législatif vise à exclure toute entremise d’un tiers entre le vendeur et le consommateur final du produit. La Cour précise toutefois que cette condition s’inscrit dans un cadre visant à circonscrire les catégories de vendeurs susceptibles de bénéficier de la dispense légale. Elle affirme ainsi qu’il est nécessaire « que la vente soit effectuée en présence à la fois de l’opérateur ou de son personnel et du consommateur final ». Cette exigence de présence physique permet de distinguer le commerce de détail classique des formes modernes de distribution réalisées à distance ou par internet. Le juge européen limite ainsi la portée de la dérogation aux seuls points de vente physiques où un contact direct et immédiat est possible entre parties.
Le maintien d’un système de contrôle exigeant pour la vente en ligne répond à la nécessité de préserver la confiance du public envers le label biologique.
II. La préservation de la confiance des consommateurs et de la traçabilité
A. La protection de l’intégrité du marché face aux nouveaux modes de distribution
Le système de contrôle instauré par l’Union européenne vise à assurer la traçabilité de chaque produit à tous les stades de la distribution commerciale mondiale. Cette surveillance étroite a pour but de donner aux acheteurs « la garantie que les produits biologiques ont été fabriqués dans le respect des exigences » européennes. La Cour considère qu’une interprétation extensive de la dispense transformerait une exception limitée en une règle générale pour une large partie du commerce électronique. Elle observe que les canaux de distribution en ligne revêtent une importance croissante et présentent des risques spécifiques de fraude ou de contamination accidentelle. La protection effective du consommateur impose que les opérateurs manipulant des stocks importants restent soumis à une vérification administrative et technique régulière et obligatoire.
B. La justification de la surveillance par l’évaluation des risques de fraude
La décision repose sur une évaluation globale des risques inhérents au stockage et à la livraison des produits biologiques vendus par voie électronique ou postale. La Cour relève que la livraison par des intermédiaires présente un risque de réétiquetage ou d’échange qui ne peut pas être considéré comme globalement faible. L’application des exigences de notification et de contrôle apparaît dès lors pleinement justifiée pour protéger l’intégrité de la filière biologique au sein du marché. La dispense reste réservée aux cas où le coût administratif du contrôle serait disproportionné au regard du faible risque présenté par le petit détaillant. En excluant la vente à distance du bénéfice de cette exemption, le juge européen privilégie la sécurité alimentaire et la loyauté des transactions commerciales transfrontalières.