Cour de justice de l’Union européenne, le 12 septembre 2019, n°C-541/18

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 12 septembre 2019, un arrêt relatif à l’interprétation du caractère distinctif d’un signe à mot-dièse. Le litige trouve son origine dans le refus opposé par l’autorité nationale allemande à une demande d’enregistrement du signe #darferdas? pour des produits de l’habillement. Le demandeur a formé un recours devant le Bundespatentgericht, lequel a rejeté la requête en considérant que le signe ne constituait qu’une simple formulation interrogative usuelle. Saisi d’un pourvoi, le Bundesgerichtshof a décidé de surseoir à statuer pour interroger le juge de l’Union sur les modalités d’examen de la capacité distinctive du signe. La question portait sur la nécessité de prendre en compte des modes d’usage plausibles et significatifs, alors même qu’ils ne représenteraient pas l’utilisation la plus probable. La Cour affirme que l’examen doit intégrer tous les faits pertinents, incluant l’ensemble des modes d’usage probables au regard des habitudes du secteur économique concerné.

I. L’exigence d’une analyse in concreto des modes d’utilisation

A. La prise en compte de la perception du consommateur moyen Le caractère distinctif d’un signe s’apprécie nécessairement par rapport aux produits visés et à la perception qu’en a le consommateur normalement informé et raisonnablement attentif. Cette analyse exige de rechercher si le signe est « apte à remplir la fonction essentielle d’une marque, qui est celle d’indiquer l’origine commerciale des produits ». Le juge doit se placer dans la perspective de l’utilisateur final pour vérifier si le mot-dièse sera perçu comme une garantie de provenance ou un simple décor. L’appréciation doit être effectuée de manière concrète en prenant en considération tous les faits et les circonstances entourant la demande d’enregistrement du signe litigieux.

B. La pertinence des habitudes du secteur économique visé En l’absence d’usage effectif préalable, les autorités doivent se fonder sur les éléments résultant des pratiques usuelles du secteur économique concerné par la demande initiale. L’arrêt précise que « lorsqu’il ressort de ces habitudes que plusieurs modes d’usage sont significatifs », ils doivent être pleinement intégrés à l’examen global de l’office. Dans le domaine de l’habillement, l’apposition du signe sur une étiquette intérieure constitue une pratique courante dont la portée juridique ne saurait être valablement ignorée. L’examen ne peut se limiter à l’usage sur le devant du vêtement, lequel pourrait être interprété comme un message de communication sociale par le public.

II. La consécration d’un critère de pluralité des usages probables

A. L’abandon de la focalisation sur l’usage le plus vraisemblable La Cour écarte l’interprétation restrictive consistant à n’examiner que l’usage identifié comme étant le plus probable lors du dépôt de la demande d’enregistrement du signe. Le juge de l’Union considère que limiter l’analyse à une seule forme d’utilisation reviendrait à méconnaître l’obligation d’un examen complet et rigoureux des faits pertinents. Il souligne que « le demandeur d’une marque n’est pas tenu d’indiquer ni même de connaître avec précision » l’usage futur qu’il fera de son signe. Cette solution favorise la protection des signes atypiques dont la fonction distinctive peut se révéler à travers divers modes d’exploitation commerciale parfaitement plausibles en pratique.

B. La conciliation entre liberté commerciale et rigueur du registre L’exigence d’un examen exhaustif est tempérée par la nécessité de qualifier de non pertinents les modes d’usage purement concevables mais peu probables dans le secteur. Cette restriction évite que le registre ne comprenne des signes dont la fonction distinctive dépendrait exclusivement d’une utilisation très spécifique ou totalement inhabituelle pour l’opérateur. Le juge rappelle que l’examen doit demeurer strict « afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue » au détriment de la libre concurrence. La solution d’espèce préserve l’équilibre entre la souplesse nécessaire aux acteurs économiques et l’impératif de sécurité juridique inhérent à la tenue du registre des marques.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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