Cour de justice de l’Union européenne, le 12 septembre 2024, n°C-248/23

La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du 12 septembre 2024, interprète l’article 90 de la directive relative à la taxe sur la valeur ajoutée. Une société fabrique et distribue des produits médicaux au sein d’un État membre par le biais d’un réseau de grossistes approvisionnant les officines pharmaceutiques. Ces médicaments bénéficient d’un financement public partiel, imposant au fabricant le versement de contributions obligatoires calculées sur le chiffre d’affaires des ventes aux organismes de santé.

Saisie par la cour de Budapest-Capitale, la juridiction européenne examine le refus de l’administration fiscale d’accorder une réduction de la base d’imposition pour ces sommes versées. L’autorité nationale soutient que ces paiements constituent un impôt spécifique grevant le secteur pharmaceutique et non une véritable réduction de prix accordée au bénéficiaire final. L’entreprise requérante invoque au contraire le principe de neutralité fiscale pour obtenir le remboursement du surplus de taxe acquitté lors des ventes initiales aux grossistes.

Le problème de droit porte sur la possibilité pour un État membre d’exclure du bénéfice de la réduction de la base d’imposition des contributions imposées par la loi. La Cour juge que l’article 90 s’oppose à une telle réglementation nationale dès lors que les sommes sont reversées à l’organisme public assurant le financement des soins. L’analyse de l’assimilation de ces versements à une réduction de prix précède l’étude de la limitation du pouvoir de qualification fiscale de l’État.

**I. L’assimilation des contributions obligatoires à une réduction de prix**

**A. La primauté de la contrepartie réellement perçue**

Le système commun de taxe sur la valeur ajoutée repose sur l’idée fondamentale que la base d’imposition doit correspondre à la richesse effectivement conservée par l’assujetti. La Cour rappelle fermement que « l’administration fiscale ne saurait percevoir au titre de la TVA un montant supérieur à celui que l’assujetti avait perçu ». Ce principe de neutralité interdit que l’assiette fiscale dépasse la contrepartie économique finale reçue par le fournisseur après exécution de ses obligations financières légales.

En l’espèce, les versements effectués par le fabricant au profit de l’organisme d’assurance maladie diminuent directement le bénéfice tiré de la commercialisation des produits de santé. L’entreprise se trouve privée d’une fraction du prix initialement facturé aux grossistes, car elle est tenue de reverser une partie de cette somme au système public. La réalité économique de l’opération commande alors de constater une diminution de la valeur perçue, justifiant mécaniquement une rectification de la charge fiscale initialement supportée.

**B. L’indifférence du fondement juridique de l’obligation**

La nature impérative du versement, qu’il soit issu d’un contrat ou d’une disposition législative, ne saurait modifier le traitement comptable et fiscal de la réduction accordée. Les juges soulignent que le champ d’application du droit de l’Union « couvre les réductions de prix résultant tant des conventions que d’obligations légales telles que celles en cause ». Cette approche pragmatique empêche les autorités nationales de traiter différemment des situations dont les effets économiques sur le patrimoine de l’entreprise sont strictement identiques.

L’obligation de payer naît directement de la vente des médicaments subventionnés et son montant dépend précisément du volume des transactions réalisées auprès des patients assurés sociaux. L’existence d’un lien direct entre la livraison initiale et le reversement ultérieur permet de qualifier ce dernier de réduction de prix après le moment de l’opération. Cette interprétation unifiée assure une égalité de traitement entre les opérateurs économiques, quel que soit le mode d’intervention choisi par l’État pour réguler son système de santé.

**II. Une entrave à la qualification discrétionnaire de taxe nationale**

**A. La réfutation de la nature fiscale du versement**

L’administration d’un État membre ne peut arbitrairement qualifier de taxe un prélèvement dont l’objet réel est de compenser le coût d’acquisition de biens subventionnés. La Cour précise que pour relever de la base d’imposition, un prélèvement doit présenter un lien direct avec la livraison sans constituer une simple réduction de la contrepartie. « L’entreprise pharmaceutique n’a pas pu disposer librement de la totalité du prix reçu », ce qui écarte la qualification d’impôt au sens classique du droit de l’Union.

Le mécanisme de transfert immédiat des fonds de l’administration fiscale vers l’organisme de sécurité sociale confirme que le destinataire final est l’acheteur public des médicaments. Le rôle de collecteur joué par les services fiscaux n’est qu’une modalité technique incapable de transformer une réduction de prix commerciale en un prélèvement souverain définitif. Cette distinction protège l’assujetti contre une double charge fiscale résultant de l’inclusion dans l’assiette de sommes qu’il est contraint de restituer au système étatique.

**B. La consécration d’une interprétation économique et protectrice**

Cette décision renforce la protection des entreprises contre les surimpositions nées de la structure complexe des marchés réglementés où l’État intervient comme financeur et régulateur. La portée de l’arrêt s’étend à tous les dispositifs nationaux de contribution pharmaceutique dès lors qu’ils présentent un lien certain avec le prix des produits vendus. La Cour refuse de laisser aux États une marge de manœuvre qui permettrait de contourner l’obligation de réduction de l’assiette par des artifices de forme juridique.

L’interprétation retenue garantit que la taxe sur la valeur ajoutée reste parfaitement neutre à l’égard des producteurs intervenant dans le processus de distribution des soins de santé. Le juge européen impose une lecture finaliste des directives pour empêcher que les objectifs budgétaires des États ne lèsent les droits fondamentaux des contribuables assujettis. La solution assure la cohérence du droit fiscal européen en liant indéfectiblement le montant de l’impôt à la capacité contributive réelle manifestée par l’opération économique.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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