La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 6 octobre 2025, précise les conditions d’octroi d’un titre de séjour autonome aux membres d’une famille. La juridiction interprète la directive 2003/86/CE relative au droit au regroupement familial dans une situation de perte du droit de séjour pour des raisons pénales.
Une mère et ses deux enfants mineurs disposaient de permis de séjour, le père étant le regroupant désigné par les autorités nationales lors de la demande. L’autorité compétente rejette la demande de titre de séjour du père en raison d’antécédents pénaux constatés lors de l’instruction de son dossier de résidence. Les demandes des autres membres de la famille subissent un rejet automatique faute de permis valide détenu par le regroupant à la date de décision.
Le tribunal administratif au niveau provincial n° 5 de Barcelone décide de surseoir à statuer pour interroger la Cour sur la validité de cette pratique. Les questions préjudicielles portent sur la notion de « situation particulièrement difficile » et sur l’obligation de procéder à une évaluation individuelle des circonstances du cas. La juridiction de renvoi demande si l’audition préalable des mineurs est nécessaire avant l’adoption d’une décision de refus de renouvellement de séjour pour ces derniers.
La Cour doit déterminer si la perte d’un titre pour des raisons indépendantes de la volonté constitue une difficulté particulière au sens du droit européen. Elle évalue si l’autorité administrative doit offrir aux intéressés la possibilité d’exprimer leur opinion sur les conséquences d’un éloignement forcé du territoire national. L’interprétation encadrée de la notion de situation particulièrement difficile s’articule avec l’exigence d’une évaluation procédurale individualisée pour chaque membre de la cellule familiale.
I. L’interprétation encadrée de la notion de situation particulièrement difficile
A. Le maintien de la nature dérivée du droit au séjour
Le droit de séjour des membres de la famille demeure un droit dérivé de celui du regroupant tant qu’un statut autonome n’est pas définitivement acquis. La Cour rappelle que « tant que les membres de la famille concernés n’ont pas acquis un droit de séjour autonome […] leur droit de séjour est un droit dérivé ». Le retrait du titre du regroupant justifie ainsi normalement la perte du droit de séjour des bénéficiaires du regroupement sans qu’une protection automatique ne s’applique. L’indépendance de la volonté des membres de la famille face aux motifs de retrait ne suffit pas à écarter l’application rigoureuse du régime de dépendance. Ce lien de subordination juridique assure la cohérence du système du regroupement familial fondé sur la légalité de la résidence principale du sujet de droit.
B. L’exigence de circonstances d’une gravité exceptionnelle
La notion de « situation particulièrement difficile » suppose des circonstances présentant « un degré élevé de gravité ou de pénibilité pour le membre de la famille concerné ». Ces aléas doivent excéder les difficultés habituelles d’une vie familiale normale pour permettre l’octroi d’un titre de séjour autonome avant le délai de cinq ans. La seule présence d’enfants mineurs ou le caractère involontaire de la perte du titre ne constituent pas, en eux-mêmes, des motifs suffisants pour les juges. La notion requiert une vulnérabilité réelle découlant de la situation familiale, comme la violence domestique ou le risque avéré de subir des traitements dégradants. Cette définition matérielle stricte de la difficulté rencontrée appelle néanmoins une protection accrue lors de la phase d’instruction menée par les autorités administratives nationales. Le caractère restrictif de la notion matérielle impose, en contrepartie, une rigueur accrue dans la conduite de la procédure administrative par l’État membre d’accueil.
II. L’impératif d’une évaluation procédurale individualisée
A. La prohibition du refus automatique de renouvellement
L’autorité nationale doit impérativement prendre « dûment en considération la nature et la solidité des liens familiaux » ainsi que la durée de résidence des intéressés. L’article 17 de la directive 2003/86 impose une appréciation individualisée excluant toute décision automatique de rejet fondée sur la seule situation pénale du regroupant familial. L’examen doit porter sur l’existence éventuelle de motifs justifiant l’octroi d’un titre autonome malgré l’absence d’une situation de difficulté manifeste au sens du texte. L’administration est tenue de procéder à une évaluation équilibrée de tous les intérêts en jeu, incluant les attaches culturelles et sociales avec la société d’accueil. Cette obligation de diligence constitue le rempart nécessaire contre la précarité soudaine des membres de la famille dont la légalité du séjour se trouve menacée.
B. La garantie effective du droit d’être entendu
Le respect des droits de la défense garantit à toute personne la possibilité de faire connaître son point de vue avant l’adoption d’une décision défavorable. Une décision de refus de renouvellement affectant les intérêts des membres de la famille, ces derniers doivent obligatoirement être entendus par l’autorité nationale compétente. S’agissant des mineurs, les États membres doivent prendre les mesures appropriées pour offrir à l’enfant une « possibilité réelle et effective d’être entendu » durant la procédure. Cette audition n’est pas systématique mais dépend de l’âge et de la maturité du mineur conformément aux exigences de son intérêt supérieur dans le dossier. La procédure administrative doit ainsi s’adapter à la vulnérabilité des requérants pour garantir une protection juridique conforme aux droits fondamentaux de l’Union européenne.