Par arrêt du 6 octobre 2025, la Cour de justice de l’Union européenne précise l’étendue des obligations pesant sur les États membres en matière de protection des oiseaux. Un litige opposait des parties concernant l’absence d’objectifs de conservation spécifiques au sein de zones de protection spéciale définies par une réglementation nationale. Saisie à titre préjudiciel par une juridiction grecque, la Cour devait déterminer si les directives Oiseaux et Habitats imposent des mesures pour chaque espèce présente individuellement. Le juge de l’Union européenne affirme que les États doivent définir des objectifs pour toutes les espèces visées, tout en conservant la faculté de fixer des priorités. L’examen des obligations de conservation précède l’analyse de l’articulation entre les différents instruments de protection environnementale.
I. La systématisation des objectifs de conservation par zone et par espèce
A. L’exigence d’une protection individualisée et exhaustive
La Cour souligne que les dispositions européennes « imposent aux États membres de définir, pour chaque zone de protection spéciale, considérée individuellement, des objectifs et des mesures de conservation ». Cette approche géographique précise garantit une application concrète du droit de l’environnement au sein de chaque espace délimité par l’autorité publique compétente. L’obligation porte sur « toutes les espèces d’oiseaux visées à l’annexe I de la directive 2009/147 » ainsi que sur les migrateurs dont la venue demeure régulière. La juridiction refuse ainsi toute interprétation restrictive qui permettrait aux États de négliger certaines populations aviaires protégées lors de la planification territoriale. Une telle rigueur assure le maintien de l’habitat nécessaire à la survie et à la reproduction de l’ensemble des oiseaux concernés.
B. La reconnaissance d’une marge de manœuvre dans la hiérarchisation des mesures
Les États membres disposent néanmoins d’une latitude pour organiser la mise en œuvre effective de ces protections au regard des contraintes locales rencontrées. La Cour précise qu’il « appartient aux États membres de définir des priorités en fonction de l’importance de ces mesures » pour réaliser les objectifs de conservation globaux. Cette faculté de hiérarchisation ne dispense pas de l’obligation de fixer des objectifs, mais permet simplement d’adapter l’urgence des interventions nécessaires. Les autorités nationales doivent ainsi concilier l’exhaustivité de la liste des espèces protégées avec la réalité opérationnelle des moyens dont elles disposent. La définition de ces priorités doit toujours tendre vers la réalisation optimale des exigences fixées par la directive concernant la conservation des oiseaux.
II. L’autonomie du régime de conservation face aux procédures d’évaluation
A. L’indépendance de l’obligation vis-à-vis de l’évaluation des incidences
Le juge de l’Union clarifie les rapports entre la protection des habitats et l’évaluation environnementale des projets publics ou privés susceptibles d’impacter le territoire. L’obligation de réaliser des évaluations en vertu de la directive 2011/92 « est sans incidence sur la portée des obligations découlant » des directives relatives aux oiseaux et aux habitats. Cette affirmation consacre le caractère autonome des mesures de conservation qui s’imposent indépendamment de toute velléité de construction ou d’aménagement futur. La procédure d’évaluation des incidences ne saurait donc restreindre ou modifier la nature des objectifs préalablement définis pour la sauvegarde des espèces protégées. L’indépendance des instruments juridiques garantit une stabilité nécessaire à la protection pérenne de la biodiversité au sein du droit de l’Union.
B. La pérennité des engagements environnementaux face aux développements futurs
La portée des obligations environnementales demeure constante malgré l’évolution du droit dérivé régissant l’évaluation des incidences de certains projets sur l’environnement naturel. La Cour refuse qu’une modification législative ou une procédure administrative annexe puisse altérer les devoirs fondamentaux de conservation pesant sur les puissances publiques. Les mesures de protection doivent subsister par elles-mêmes afin de répondre aux exigences de l’article 6 de la directive 92/43 portant sur les habitats naturels. Cette étanchéité entre les régimes prévient tout affaiblissement de la protection des oiseaux qui résulterait d’une confusion entre gestion de zone et évaluation de projet. La décision renforce ainsi l’efficacité du réseau Natura 2000 en imposant une planification rigoureuse et imperméable aux contingences extérieures.