La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu à Luxembourg le 13 décembre 2012, précise le régime des sanctions liées à la conditionnalité. Cette décision examine si le demandeur d’aides doit supporter les conséquences financières d’une infraction commise par le cédant des terres agricoles concernées par la demande.
Une exploitation agricole a loué une parcelle pour la culture d’oignons, le contrat permettant au bailleur de réaliser préalablement des travaux d’épandage d’engrais sur le terrain. Le cédant a effectué ces opérations en violation de la réglementation environnementale nationale, entraînant le prononcé d’une amende administrative pour l’utilisation de fertilisants trop émetteurs. L’agriculteur ayant déposé la demande d’aide a subi une réduction de vingt pour cent de ses paiements directs malgré l’absence totale de faute personnelle constatée.
Saisie d’un renvoi préjudiciel par une juridiction des Pays-Bas, la Cour doit déterminer si le manquement d’un tiers est intégralement imputable au bénéficiaire final du soutien financier. Le litige oppose la nécessité de protéger les intérêts financiers de l’Union européenne aux principes de responsabilité personnelle et de proportionnalité en matière de sanctions.
Le problème juridique consiste à savoir si l’article 23 du règlement 73/2009 impose l’imputation des conséquences d’un acte intentionnel d’un tiers au demandeur de l’aide.
La Cour juge que « le non-respect des règles de la conditionnalité par le bénéficiaire ou l’auteur de la cession des terres agricoles […] doit être intégralement imputé à l’agriculteur ».
I. L’affirmation d’une responsabilité objective et intégrale de l’agriculteur
A. L’imputation systématique des manquements commis par les tiers
La Cour souligne que le demandeur d’aide demeure l’unique responsable vis-à-vis de l’administration pour l’ensemble des surfaces déclarées au cours de l’année civile concernée. L’article 23 du règlement 73/2009 établit un lien indissoluble entre l’octroi du soutien financier et le respect effectif des normes de gestion sur les parcelles agricoles.
L’agriculteur doit ainsi « supporter le risque de l’imputation d’un cas de non-respect des règles de la conditionnalité » commis par l’auteur de la cession de la terre. Cette solution découle de la suppression de l’obligation de disposer des terres pendant dix mois, mesure de simplification qui facilite désormais les transferts de jouissance foncière.
B. L’indifférence du degré de culpabilité de l’auteur matériel
La juridiction européenne précise que le régime de responsabilité ne distingue pas entre la simple négligence et l’acte intentionnel commis par le tiers cédant du terrain. L’intentionnalité du manquement imputable à l’auteur de la cession produit ses pleins effets juridiques sur le calcul de la réduction applicable au demandeur de l’aide.
L’agriculteur « peut donc être tenu comme étant responsable de l’infraction commise par le bénéficiaire ou l’auteur de la cession », y compris pour les conséquences des actes intentionnels. La nature de la sanction administrative, intégrée au mécanisme de soutien, justifie cette extension de la responsabilité au-delà de la propre faute de l’exploitant.
II. Une solution rigoureuse justifiée par les impératifs du régime de soutien
A. La protection de l’objectif environnemental par l’instrument administratif
Le système de conditionnalité constitue un levier essentiel pour garantir l’intégration des normes de sécurité alimentaire et de protection de l’environnement dans la politique agricole commune. La Cour rappelle que l’octroi des aides financières est subordonné de manière stricte au respect des exigences réglementaires en matière de gestion par les différents agriculteurs.
Cette sanction « constitue un instrument administratif spécifique faisant partie intégrante du régime d’aides » et vise à promouvoir activement le respect des règles fondamentales de l’Union européenne. Le principe de proportionnalité est respecté car l’imputation intégrale permet d’atteindre efficacement l’objectif de préservation des ressources naturelles et de santé publique mondiale.
B. La préservation de l’équilibre contractuel par les recours de droit privé
Bien que la responsabilité administrative soit lourde, la Cour indique que l’agriculteur dispose de moyens juridiques pour protéger ses intérêts lors des transactions de terres agricoles. Les parties au contrat de cession peuvent librement convenir de clauses de garantie ou de répartition des risques financiers liés aux éventuelles réductions des subventions.
« Rien n’empêche les parties à un contrat de cession des terres agricoles de convenir entre elles de dispositions plus précises » concernant les conséquences des futurs manquements. La persistance de recours civils permet de tempérer la rigueur de la solution administrative et assure une protection patrimoniale adéquate au bénéficiaire diligent des fonds.