Cour de justice de l’Union européenne, le 13 décembre 2018, n°C-298/17

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 13 décembre 2018 un arrêt interprétant la portée de la directive relative au service universel. Cette décision s’intéresse à la qualification juridique des entreprises proposant la diffusion de programmes télévisés en direct sur internet au sein du marché intérieur.

Une entité économique proposait le visionnage de programmes télévisés en direct sur le web sans détenir ses propres infrastructures physiques de transmission de signaux électroniques. Un organisme national de régulation a imposé à cette entreprise l’obligation de diffuser certaines chaînes de télévision publiques au nom de la sauvegarde du pluralisme.

La société a contesté cette mesure devant le tribunal de première instance de Bruxelles en faisant valoir qu’elle n’exploitait pas un réseau de communications électroniques. Le litige a conduit la juridiction de renvoi à interroger la Cour de justice sur l’application de l’article 31 de la directive 2002/22 modifiée.

La question posée est de savoir si un fournisseur de flux continu constitue un exploitant de réseau et si des obligations de diffusion peuvent s’appliquer. La Cour répond qu’une telle entreprise ne fournit pas un réseau de communications électroniques « en raison de ce seul fait » selon le droit européen. Elle autorise toutefois les États membres à imposer des obligations de diffusion à ces acteurs numériques pour garantir des objectifs d’intérêt général au niveau national.

L’étude de cette décision impose d’analyser l’exclusion de la qualification de réseau avant d’examiner la validité des obligations de diffusion imposées par les États.

I. L’exclusion de la qualification de réseau pour les services de diffusion en flux continu

A. L’interprétation stricte de la notion d’entreprise fournissant un réseau

La Cour analyse si l’activité de diffusion en ligne correspond à la fourniture d’un réseau de communications électroniques au sens des textes européens de référence. Elle rejette cette qualification automatique en soulignant que le simple visionnage en flux continu ne suffit pas à caractériser l’existence d’une telle infrastructure technique. L’entreprise concernée ne doit pas « être regardée comme une entreprise qui fournit un réseau de communications électroniques utilisé pour la diffusion publique » de programmes. La solution repose sur l’absence de contrôle effectif de la société sur la transmission des signaux nécessaires au bon fonctionnement du service de télévision.

B. La distinction nécessaire entre la fourniture de contenus et la transmission technique

Le juge européen distingue la fourniture de services de communication électronique de la fourniture de services de contenu médiatique au sein de l’espace numérique. Le critère déterminant réside dans la transmission technique des signaux dont la responsabilité ne pèse pas systématiquement sur le fournisseur des contenus audiovisuels proposés. La directive service universel vise principalement les réseaux physiques et non les services utilisant des infrastructures tierces pour assurer leur propre diffusion sur internet. Cette précision juridique permet d’écarter les contraintes propres aux opérateurs de réseaux pour les nouveaux acteurs numériques se limitant à proposer des flux vidéos.

II. La validité des obligations de diffusion imposées aux entreprises de diffusion sur internet

A. L’absence d’opposition du droit dérivé aux régulations nationales de diffusion

L’arrêt précise que les États membres conservent la possibilité d’imposer des obligations spécifiques de diffusion aux entreprises opérant exclusivement sur le réseau internet mondial. Les dispositions européennes « ne s’opposent pas à ce qu’un État membre impose » une telle contrainte de diffusion nommée par la doctrine obligation must carry. Cette faculté n’est pas conditionnée par la qualification préalable de l’entreprise en tant que gestionnaire d’un réseau de communications électroniques traditionnel et physique. Le droit de l’Union laisse ainsi une marge de manœuvre significative aux régulateurs nationaux pour encadrer les nouveaux modes de consommation de l’audiovisuel.

B. La préservation de la souveraineté des États en matière de pluralisme médiatique

La décision souligne l’importance des objectifs d’intérêt général tels que le pluralisme des médias et l’accès à l’information pour l’ensemble des citoyens européens. Les États peuvent adapter leur législation pour garantir que les services de streaming incluent des chaînes d’intérêt public malgré l’évolution constante des technologies numériques. Cette approche fonctionnelle assure la pérennité des politiques culturelles nationales face à la dématérialisation croissante des supports de diffusion classiques de la télévision. La Cour valide une extension raisonnable des compétences étatiques pour répondre aux défis posés par la transition numérique des services de médias audiovisuels.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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