Cour de justice de l’Union européenne, le 13 février 2014, n°C-367/12

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 13 février 2014, une décision portant sur l’interprétation de la liberté d’établissement. Une pharmacienne diplômée a sollicité une autorisation pour créer une officine dans une zone rurale située au sein de son État membre. L’autorité administrative locale de Gmunden a rejeté cette demande le 29 décembre 2011 en se fondant sur l’absence de besoin démographique. Le texte législatif prévoit qu’une création ne peut être autorisée si elle réduit la clientèle d’une pharmacie existante sous cinq mille cinq cents habitants. La requérante a contesté ce refus devant la juridiction administrative supérieure en invoquant la configuration géographique particulière de la zone de montagne concernée. Le tribunal administratif de Linz a décidé de surseoir à statuer pour interroger les juges européens sur la validité de ce seuil. La question de droit consiste à déterminer si le principe de liberté d’établissement s’oppose à une limite démographique rigide dépourvue de dérogation. La Cour répond par l’affirmative car une telle rigidité compromet l’objectif de protection de la santé publique dans les régions les plus isolées. Il convient d’étudier d’abord la légitimité des régimes d’autorisation préalable avant d’analyser les motifs de l’invalidation de la réglementation nationale par le juge.

I. La validité de principe du régime d’autorisation préalable

A. L’objectivité des critères de détermination du besoin La liberté d’établissement n’interdit pas aux États membres de soumettre l’ouverture de nouvelles pharmacies à l’obtention d’une autorisation administrative délivrée par les autorités. Cette mesure vise à garantir un approvisionnement en médicaments sûr, de qualité et réparti de manière équilibrée sur l’ensemble du territoire national concerné. Le juge européen rappelle que la vie humaine occupe le premier rang parmi les intérêts protégés par les traités fondamentaux de l’organisation supranationale. Les États disposent ainsi d’une marge d’appréciation pour définir le niveau de protection de la santé publique qu’ils entendent assurer pour leurs propres concitoyens. L’établissement de critères démographiques et géographiques est donc valide dès lors que ces règles répondent véritablement à un objectif social de proximité.

B. L’exigence de critères objectifs et transparents Le régime d’autorisation doit reposer sur des « critères objectifs, non discriminatoires et connus à l’avance » afin d’éviter tout comportement arbitraire de l’administration. La Cour souligne que les critères liés à la distance minimale ou au nombre d’habitants constituent des données factuelles aisément vérifiables par les demandeurs. L’intervention de la jurisprudence nationale pour préciser certaines notions législatives ne suffit pas à entacher le système d’une imprévisibilité contraire au droit de l’Union. Le caractère non discriminatoire de la procédure assure que chaque professionnel peut anticiper ses chances de succès avant d’engager les investissements nécessaires à son installation. Toutefois, la validité formelle des critères ne garantit pas nécessairement la cohérence du dispositif au regard des réalités concrètes rencontrées par la population.

II. La sanction de la rigidité démographique excessive

A. L’incohérence d’une application arithmétique uniforme Une réglementation nationale n’est propre à garantir l’objectif recherché que si elle poursuit celui-ci de manière cohérente et systématique sur tout le territoire. L’application d’un seuil arithmétique strict de cinq mille cinq cents personnes peut entraîner l’exclusion de zones rurales isolées du service pharmaceutique de proximité. Le juge relève que la méthode de calcul ne permet pas de prendre en compte les résidents situés au-delà du périmètre de quatre kilomètres. Le système privilégie la viabilité économique des officines déjà installées au détriment de l’accès effectif aux médicaments pour les populations les plus éloignées. Cette priorité accordée à la protection des structures existantes fragilise la logique sanitaire globale qui devrait pourtant commander l’organisation des soins de ville.

B. La nécessaire prise en compte des particularités locales L’absence totale de dérogation pour tenir compte des spécificités géographiques ou sociales d’une zone constitue une entrave disproportionnée à la liberté fondamentale d’établissement. La Cour affirme qu’une limite rigide s’oppose au droit européen « dans la mesure où les autorités nationales n’ont pas la possibilité de déroger à cette limite ». Les personnes à mobilité réduite subissent les conséquences de ce manque de souplesse car elles ne peuvent pas toujours se déplacer vers les centres urbains. Le service pharmaceutique doit rester accessible de manière permanente et continue sans dépendre uniquement des flux de travailleurs ou de visiteurs de passage. La solution invite donc le législateur national à introduire des mécanismes de correction permettant d’adapter les règles générales aux besoins impérieux de chaque territoire.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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