La Cour de justice de l’Union européenne, le 13 février 2014, précise les conditions de transposition de l’exigence de coût non prohibitif des procédures environnementales. Une institution européenne reproche à un État membre de ne pas avoir intégré correctement les dispositions d’une directive relative à l’accès à la justice. Les critiques se concentrent sur le régime des dépens et le risque financier excessif pesant sur les requérants lors des recours juridictionnels. Saisie d’une plainte, l’institution adresse une mise en demeure puis un avis motivé avant de former un recours en manquement devant la Cour. Le litige interroge la validité d’une transposition reposant sur le pouvoir discrétionnaire du juge national pour limiter les frais de justice. La Cour juge que l’absence de règles claires garantissant la prévisibilité du coût financier constitue un manquement aux obligations de l’État membre. L’examen de cette décision commande d’analyser l’insuffisance de la transposition par voie jurisprudentielle avant d’étudier l’incertitude financière comme obstacle à l’accès à la justice.
I. L’insuffisance de la transposition par voie jurisprudentielle
A. L’exigence de clarté et de précision de la transposition
La Cour rappelle que la transposition d’une directive peut se satisfaire d’un « contexte juridique général » si celui-ci assure effectivement la pleine application. Cette intégration doit cependant s’effectuer d’une « façon suffisamment claire et précise » pour que les particuliers connaissent l’étendue de leurs droits fondamentaux. En l’espèce, les règles nationales ne permettent pas aux justiciables de prévoir avec certitude l’ampleur des sacrifices financiers nécessaires à l’action. L’existence d’une simple pratique jurisprudentielle ne saurait donc suffire à garantir la protection contre les coûts prohibitifs imposée par le droit européen.
B. Les limites du pouvoir discrétionnaire du juge national
Le juge national dispose d’une marge d’appréciation mais il ne peut statuer sans règles contraignantes garantissant le respect des objectifs de la directive. La Cour relève que « le juge ne paraît pas être tenu d’accorder la protection lorsque le coût de la procédure est objectivement déraisonnable ». Cette faculté de moduler les dépens sans obligation stricte de résultat crée une insécurité juridique incompatible avec l’exigence d’une protection effective. La reconnaissance de cette insuffisance normative conduit nécessairement à évaluer les conséquences concrètes de l’incertitude financière sur l’exercice effectif des recours juridictionnels.
II. L’incertitude financière comme obstacle à l’accès à la justice
A. Le caractère imprévisible du coût global de la procédure
L’accès à la justice suppose que les membres du public bénéficient d’une « prévisibilité raisonnable en ce qui concerne tant le principe que le montant ». La structure du système juridique national entraîne des honoraires d’avocat élevés qui alourdissent considérablement la charge pesant sur la partie ayant succombé. Sans plafonnement garanti des frais dès l’introduction de l’instance, le risque de ruine financière dissuade les citoyens de défendre l’intérêt général environnemental. L’État ne satisfait pas à son obligation de résultat en laissant subsister des doutes sur l’application de la règle du coût non prohibitif.
B. L’impact dissuasif des garanties liées aux mesures provisoires
L’exigence de coût raisonnable s’étend également aux mesures provisoires et aux garanties financières exigibles pour assurer la pleine efficacité de la décision future. La pratique consistant à demander des contre-engagements financiers constitue un « facteur supplémentaire d’incertitude et d’imprécision » pour le requérant potentiel. Bien que la protection de l’environnement puisse justifier des restrictions au droit de propriété, elle impose surtout de lever les barrières économiques injustifiées. La Cour confirme ainsi que la protection juridictionnelle effective en matière d’environnement requiert un cadre législatif rigoureux excluant toute forme de barrière financière.